La polémique entre la France et l'Algérie à propos de l'hospitalisation à Paris d'Abdelaziz Bouteflika, qui venait juste de dénoncer un «génocide» culturel colonial, souligne la grande méforme des relations entre les deux pays. En matière de provocation, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika est un champion. Désormais, nul ne peut le contester. Et ce ne sont pas les Français qui diront le contraire. Les propos, tenus par ce dernier juste avant son hospitalisation programmée en France il a y quelques mois, ont enclenché une vive polémique entre les deux pays. Mais le comble dans l'histoire, c'est que son contrôle médical ne nécessitait pas un déplacement en France, d'après un médecin français. Avant son hospitalisation, le président algérien avait dénoncé un «génocide» culturel colonial. Il faut appeler que les relations en dents de scie entre Alger et Paris connaissent une nouvelle dégradation depuis que l'Assemblée nationale française a voté l'an dernier un article de loi soulignant le «rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Le président Bouteflika et la presse algérienne s'en sont publiquement indignés et l'article litigieux a dû être abrogé dans l'espoir de mettre un point final à la polémique. Cependant, l'Algérie a alimenté celle-ci en exigeant des excuses de la France pour les crimes commis durant la période coloniale, que le chef de l'Etat algérien vient de comparer à un «génocide» identitaire contre les Algériens. Et à peine quelques jours plus tard, Bouteflika venait à Paris subir un bilan de santé et sa présence, aussitôt éventée, déchaînait la classe politique française contre lui. Les perspectives de signature d'un traité d'amitié, qui scellerait la particularité des relations entre les deux pays, ne sont désormais plus à l'ordre du jour. Le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy a eu beau recommander de faire taire les «rancœurs», il a jeté de l'huile sur le feu dimanche en notant que Bouteflika «appréciait» la médecine, les médecins et les hôpitaux français. «Les propos de Douste-Blazy sur l'hospitalisation du président Bouteflika en France ont largement dépassé les règles de la bienséance diplomatique», a écrit lundi le quotidien «Liberté». «Aucun Algérien n'aurait pu penser que l'hospitalisation de son président allait donner lieu à une surenchère aussi décadente et déshonorante», ajoute le journal. Et «Liberté» de s'interroger : «Est-ce une perte totale de contrôle et de sang-froid face au recul français en Algérie ?» En fait, malgré une vive concurrence commerciale et financière des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine, la France est encore très présente en Algérie. Elle reste de loin le premier fournisseur de ce pays, elle a beaucoup investi dans son secteur énergétique, elle conserve des liens étroits avec Alger en matière de défense et de sécurité, et son influence culturelle et linguistique demeure forte. La France sera toujours importante en Algérie, dont elle accueille un million de ressortissants, estime Hugh Roberts, spécialiste de l'Afrique du Nord à l'International Crisis Group. Les Algériens, qui se préoccupent plus d'obtenir des visas et des permis de travail en France que de ressasser l'histoire récente de leur pays, sont nombreux à estimer que les relations entre les deux rives de la Méditerranée s'apaiseront au fur et à mesure que la génération de la guerre d'indépendance s'effacera. Ainsi, les liens entre les deux grands voisins méditerranéens n'en souffriront sans doute pas durablement.