Le plan pélagique qui devrait être présenté au gouvernement durant ce mois d'avril oppose armateurs de la pêche côtière et industrielle. Le long marathon du plan pélagique prend normalement fin ce mois d'avril. Le texte qui a obtenu des accords de principe sur les grandes lignes comporte des points différemment appréciés par les opérateurs, selon que l'on est armateur de la pêche côtière ou propriétaire d'une unité de transformation. Jusque-là le ministère de l'Agriculture et de la Pêche maritime refuse aux industriels l'accès à la ressource. Même la proposition de ces derniers de se procurer eux-mêmes la ressource, mais de manière complémentaire, après que les côtiers aient épuisé le tonnage de leur fourniture habituelle (300 000 tonnes) rencontre peu d'adeptes dans les couloirs du ministère. Une position de fermeté, que justifie, explique-t-on, la crainte de voir les propriétaires des unités de transformation délaisser leurs activités pour la pêche. Les industriels voient plutôt, derrière cette fermeté, le résultat des actions de quelques lobbyisytes des armateurs de la pêche côtière. «C'est clair, quand on donne des affrètements à tout le monde, la flotte traditionnelle va mourir », explique un opérateur affilié à la Chambre des Pêches maritimes d'Agadir. Les armateurs marocains revendiquent 550 unités et 25 à 30 000 employés à bord. C'est dire que le futur plan pélagique est encore loin de faire l'unanimité autour de lui. De l'autre côté, les industriels estiment que les limitations et l'interdiction d'affrètement ne leur permettent pas d'être compétitifs par rapport à la concurrence internationale. Accéder à la ressource leur permettrait non seulement de sécuriser leur production, mais par la même occasion d'éliminer les risques liés à une flotte vieillissante et qui a du mal à livrer du poisson frais. «Nos industriels sont les seuls au monde qui veulent travailler 365 jours par an », estime un opérateur de la palangre. Ailleurs, au Canada, pays de référence dans le domaine, les usines tournent deux à trois mois par an, en fonction de la saisonnalité des captures. De plus, renchérit le même opérateur, «nous sommes le seul pays au monde où l'on voit des industriels vouloir devenir des pêcheurs alors que la tendance est de voir l'inverse». Déjà fragilisés par une conjoncture désastreuse, les pêcheurs entendent défendre bec et ongles leur domaine. Actuellement, quand un palangrier pêche une valeur de 80 000 tonnes de poissons, il devra en déduire 24 000 dirhams de gas-oil, 25 000 dirhams de sardines, 7 mille dirhams de nourriture, 3 500 dirhams de glace, 1 000 dirhams de filtre de vidange, 6000 dirhams de matériel de pêche et 10 400 dirhams, entre différentes taxes. Pour un bateau obligé, en plus de ces coûts, de régler les frais d'assurance et d'amortir un investissement de départ d'en moyenne 7 millions de dirhams, la partie est délicate. En tout cas, ce programme de protection des ressources devra cohabiter avec plusieurs concessions. Il s'agit du cadre de convention bilatéral accordant 200 000 tonnes aux bateaux russes, d'un quota de 200 000 tonnes à quelques unités de congélation dans le Sud, de 90 000 tonnes aux usines de farine et 60 000 tonnes à l'Union Européenne., Les pêcheurs côtiers qui voient d'un mauvais œil les 200 000 tonnes accordées aux unités de congélation de Laâyoune, critiquent aussi la gestion de cette manne. «Sur ce tonnage, 120 000 tonnes sont congelées à bord. Il s'agit de poissons envoyés directement à l'étranger sans valorisation, contrairement à la politique prônée par le plan pélagique », à entendre les opérateurs de la pêche côtière. Pour le quota à terre, à savoir 80 000 tonnes, on est loin du compte. Les unités à terre auraient traité en 2005 moins de 15 000 tonnes.