L'organisation séparatiste basque ETA a décidé de décréter un cessez-le-feu permanent. Un engagement unilatéral qui a accueuilli été avec soulagement par l'opinion publique espagnole. La droite, elle, se dit sceptique. «L'ETA a décidé de déclarer un cessez-le-feu permanent à compter du 24 mars 2006», a déclaré une membre de l'organisation séparatiste basque dans une vidéo diffusée mercredi dernier à la télévision montrant trois etarras coiffés de bérets noirs, le visage dissimulé sous des cagoules blanches, assis à une table devant un drapeau du mouvement. «L'objet de cette décision est de faire avancer le processus démocratique au Pays basque afin de construire un nouveau cadre dans lequel nos droits en tant que peuple seront reconnus et afin de permettre le développement futur de toutes les options politiques,» a-t-elle poursuivi. Alimentées par deux précédents échecs de dialogue avec l'ETA, qui avaient suivi des trêves en 1989 et en 1998, la classe politique et la presse espagnole sont aujourd'hui partagées entre l'espoir et la prudence. Serait-ce le début de la fin d'une période marquée par 38 ans de violences en Espagne ? C'est entre enthousiasme, scepticisme et prudence que se répartissent les analyses de la presse espagnole, jeudi. La Razon a affiché son scepticisme. «Ni arrêt définitif ni abandon des armes, l'ETA annonce un cessez-le-feu permanent qu'elle peut rompre quand elle veut», explique le quotidien, qui se fait écho de la prudence des experts en anti-terrorisme. «De l'offensive totale au début de la fin», a titré El Pais qui relate la débâcle militaire» de l'organisation. «L'ETA est passés en une décennie de tenter de déborder l'Etat par la socialisation de la violence, en étendant les attentats des militaires aux politiques et à toutes les voix critiques face au projet nationaliste, à chercher aujourd'hui une porte de sortie à peu près honorable», a écrit le journal proche du gouvernement socialiste. Pour l'éditorialiste d'El Pais, il s'agit d'«une opportunité inédite». «Il serait irresponsable de ne pas essayer d'en profiter», souligne-t-il. ABC appelle, lui, à «la prudence». Il affirme toutefois nécessaire d'accorder au gouvernement espagnol une ample marge de confiance pour la gestion de la nouvelle situation. Mais conditionnée à ce que l'exécutif obtienne que l'organisation ETA dépose définitivement les armes sans que cette décision suppose une contrepartie, poursuit le journal conservateur. «Un texte et un contexte qui inspirent plus d'inquiétude que d'espérance», est le titre de l'éditorial d'El Mundo (libéral), qui affirme que «la paix n'implique pas de payer un prix politique». Le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero avait réagi mercredi avec une satisfaction prudente, «Comme tout processus de paix, ce sera un processus long et difficile», a-t-il affirmé jeudi à Bruxelles à l'occasion du Conseil européen. Une position compréhensible vu qu'actuellement les détails du calendrier du processus de paix demeurent inconnus. Autre inconnu, le rôle que jouera le parti interdit Batasuna, bras politique de l'ETA, dont le leader Arnaldo Otegi devrait comparaître vendredi devant la justice pour instigation à des actes terroristes et risque de ce fait la prison. Ce qu'il faut savoir sur l'ETA • ETA est l'acronyme de "Euskadi Ta Askatasuna" (Pays basque et liberté" en basque). L'organisation séparatiste a été créée en 1959 sous la dictature de Franco. • Le but de l'ETA a toujours été l'autodétermination des Basques, en vue de créer un Etat indépendant intégrant les pays basques espagnol et français. L'organisation a également revendiqué une partie de la Navarre (nord de l'Espagne). • Symbole : un serpent enroulé autour d'une hache. • Premier attentat mortel : ETA a d'abord eu recours à des moyens politiques pour promouvoir sa cause, mais s'est ensuite tournée vers la violence, avec des attentats à la voiture piégée et des assassinats par armes à feu. Sa première victime fut le garde civil Antonio Pardinas, tué à un barrage de police le 7 juin 1968. • Soutien politique : En parallèle à sa campagne d'attentats, ETA bénéficiait du soutien politique du parti connu actuellement sous le nom de Batasuna. Avant son interdiction en 2003, Batasuna recueillait régulièrement quelque 12% des voix au pays basque espagnol lors des élections.