Les libérations massives par les autorités algériennes des membres du Groupe islamique armé (GIA) et du Front islamique du salut (FIS) ont suscité des craintes chez la population qui redoute une nouvelle montée de l'intégrisme. C'est sur fond de scepticisme que la presse algérienne a commenté les libérations en masse des membres du Groupe islamique armé (GIA) et du Front islamique du salut (FIS). Plusieurs observateurs algériens se demandent aujourd'hui quelles sont les véritables intentions des prisonniers islamistes libérés dans le cadre de la charte pour la paix et la réconciliation. Ces gens, qui ont passé des années sous les verrous totalement déconnectés de l'Algérie, sont-ils prêts à réintégrer la société civile ? Ou bien vont-ils retrouver à nouveau les maquis ? Les images montrant Ali Belhadj, l'ancien numéro deux du parti dissous, accueillant à bras ouverts Abdelhak Layada, l'ancien émir du GIA, a fait le tour de la presse algérienne et des médias étrangers. Des images que certains y voient comme un choc. Les anciens démons sont-ils de retour? L'éditorialiste du quotidien El Watan a affirmé qu'«il est difficile d'exiger de la société algérienne qu'elle solde les comptes d'une période cruelle, alors que l'un des principaux commanditaires du terrorisme et l'un des responsables des 150 000 morts, Ali Belhadj, nargue les Algériens, l'Etat et la nation toute entière». «Est-ce le retour du terrorisme urbain - puisque, dit-on ici et là, beaucoup de terroristes libérés ont déjà plongé dans la clandestinité -, accompagné d'une surenchère religieuse, à forte connotation politique, et d'un redoublement de l'activisme islamiste tel que vécu dans les années 1989-1992 ?,» se demande-t-il. C'est d'ailleurs la question qui tourmente les esprits de la majorité des observateurs algériens. Les islamistes ont-ils réellement changé ? L'aptitude d'Ali Belhadj après sa libération prouve le contraire. En effet, l'artisan de la victoire du FIS en 1991 semble être très attaché à son idéologie. Ses pensées radicales ne se sont guère atténuées au fil des années. Il suffit de rappeler l'épisode où il a pris la défense des ravisseurs des deux diplomates algériens Ali Belaroussi et Azzedine Belkad enlevés et exécutés en Irak. Le jour de sa libération, l'imam a même revendiqué haut et fort sa pleine réhabilitation politique. Il a affirmé, lors d'un entretien accordé à la radio française France Inter, qu'il ne renoncerait pas à ses droits politiques. Les autorités algériennes avaient interdit aux anciens dirigeants du FIS de faire de la politique. Le gouvernement algérien compte, dans le cadre du processus de la réconciliation nationale, libérer au total 2.629 prisonniers islamistes. Et pour faciliter leur réinsertion, le gouvernement compte faire appel aux mosquées et aux repentis afin de les persuader de ne pas reprendre le chemin des maquis. Pour le quotidien Liberté, la réhabilitation des islamistes s'annonce difficile. Le journal ajoute qu'il ne faut pas exclure «au niveau des institutions de l'Etat l'éventualité d'une reconstitution des groupes terroristes et d'un redéploiement des membres des ex-GIA dans les maquis d'autant plus que ces derniers demeurent infestés d'islamistes armés, ceux notamment affiliés au GSPC, lui-même partie prenante d'une nébuleuse transfrontalière que la scène moyen-orientale pousse de plus en plus à agir». Même le caricaturiste du journal s'est montré sceptique. Une caricature titrée «Charte pour la paix, les islamistes rentrent chez eux», montre un islamiste qui vient de quitter la prison. À sa sortie, il demande à un passant : « C'est par où le maquis SVP !?»