Tout cela est ridicule. Nous avons besoin d'une presse rigoureuse et dans l'ensemble, elle ne l'est pas Mohamed El Gahs livre une interview, une longue interview à «Saout Annass», il y parle de la stratégie des alliances, de la gauche, de sa vision du parti, rien de bien nouveau pour qui connaît l'homme et le parcours. En particulier, il dit tout ce qu'il pense du fameux Bloc historique, c'est-à-dire l'alliance avec les islamistes. Un hebdomadaire casablancais à grand tirage fait une confusion terrible entre Bloc historique et Koutla tout court, c'est déjà terrible, mais il ne s'arrête pas là. En effet, l'article fait le lien avec les sorties d'Elyazghi sur la réactivation de la Koutla et en déduit que c'est la guerre entre les deux hommes et relie toutes leurs actions à partir de ce prisme, et surtout invente des conclaves qui n'ont jamais existé, puisque ce différend-là est inventé. L'hebdomadaire étant en français, il y a peu de chances que ses lecteurs se rendent compte de l'erreur, (laissons lui le bénéfice de la bonne foi), ils vont donc gober «l'information». Dans quelques semaines, nous aurons droit à des analyses savantes sur El Gahs qui jouerait les Iznogoud à partir d'un différend autour de la Koutla. La sémantique peut faire des ravages! À Tanger, Abdellah Stouky a demandé au ministre de la Communication de confirmer une information selon laquelle des membres du gouvernement auraient demandé au Roi de mettre la presse indépendante au pas, ce que le responsable a nié catégoriquement avec une pointe d'honneur, notre confrère a répondu : «Je l'ai pourtant lu dans plusieurs journaux». Un responsable ose dire que «la presse marocaine est médiocre», il en prend plein la gueule, tous lui tombent dessus à bras raccourcis. Madame la comtesse ne souffre pas qu'on la critique même quand elle manque totalement de rigueur et qu'elle devient plus une usine de rumeurs qu'une source d'informations. La technique est simple, je vous livre l'exemple pratique : on annonce que Bouzoubaâ a donné un marché à l'un de ses fils. Si c'est vrai, l'homme doit être démis, jugé et rayé de la liste des politiques. Il se trouve qu'il a démenti de la manière la plus vigoureuse et qu'aucun «Investigator» n'a prouvé le contraire. Slimani qui, lui, est poursuivi pour falsification de plusieurs marchés affirme qu'ils étaient aussi réguliers que celui de Bouzoubaâ avec son fils et quand le procureur lui demande quelles sont ses preuves, il répond : «Je l'ai lu dans la presse». Le lendemain, plusieurs journaux titrent «Slimani accuse Bouzoubaâ», en omettant d'ajouter qu'il a cité la presse. À ce niveau-là, on ne peut plus parler de bonne foi. Bouzoubaâ lui aussi réagit mal, il attend une réunion publique pour parler de collusion entre la presse et les mafias corrompues, c'est faux et pour le moins maladroit, même si l'on peut comprendre la réaction humaine et surtout cela ne va pas lui faire que des amis dans une profession qui a une forte tendance à la hargne. Les politiques, les décideurs en général, ont rarement l'attitude qu'il faut. Ils commencent par mépriser, ne pas répondre et puis excédés, ils vont à l'affrontement. Tout cela est ridicule. Nous avons besoin d'une presse rigoureuse et dans l'ensemble, elle ne l'est pas. Le débat sur la liberté, la responsabilité doit absolument être décliné autour de ces deux règles de base : la vérification de l'information et le respect des genres journalistiques. Au Canada, ce sont les deux piliers du code de la presse. Si tous les papiers d'information étaient sourcés, dénués de jugements de valeur ou d'opinion du rédacteur, le mal serait limité. Nous avons tous à y gagner car la crédibilité de la presse est réellement menacée et il n'y a pas de démocratisation sans une presse libre, responsable, crédible.