Les réunions bien préparées, qui remplissent des salles de 1000 personnes ne signifient rien, Abdelkrim Benatik a fait des meetings avec des milliers de personnes et a échoué dans sa circonscription. Mon ami et collègue, Driss Ajbali, a consacré sa chronique d'il y a quinze jours à un plaidoyer en faveur de «Si Fouad» et son mouvement. Il a griffé au passage ceux qui «chaque matin» critiquent la démarche. En vérité, il ne sont pas nombreux et ne reviennent sur le sujet que quand il y a actualité. Cela dit, je ne sais pas si Ajbali a bien relu sa chronique, parce qu'elle développe tous les arguments pouvant identifier ce mouvement comme celui de toutes les confusions. D'abord, de quelle forme d'action politique s'agit-il ? Il ne suffit pas de multiplier les qualificatifs du genre «innovante» «volontariste» pour lui donner un sens. Concrètement, El Himma avait déclaré dans une interview que le MTD «aura son bras politique». Il a repris la même phrase à Salé, avant de se rétracter à Marrakech. La confusion n'est pas uniquement dans les faits, elle est aussi dans les têtes. Ajbali nous apprend que ce courant n'est ni de gauche ni de droite, ce qui ne l'empêche pas, le courant, de se vouloir l'alternative à tout ce qui existe. Depuis le 7 septembre et le taux d'abstention record, on lit beaucoup de niaiseries. Par exemple, que la classe politique dans son ensemble est disqualifiée et qu'il suffit d'avoir de nouvelles têtes, vierges, sans antécédent, a dit un intervenant MTD, pour ramasser la mise. Nous avons mis 30 ans pour construire la vie politique que nous avons. Elle est peu reluisante, mais elle a deux mérites, celui d'exister et celui de contribuer à la mise en place d'institutions, qui quoi qu'on en dise sont essentielles à la stabilité du pays. L'enjeu actuel, ce n'est pas de tout casser par une démarche de prédateur, mais d'aller vers des alliances stratégiques. L'enjeu c'est de dégager un pôle de droite libérale, un conservateur et un autre de gauche. Le même homme ne peut pas constituer, ni même contribuer à faire les trois. C'est là où on en arrive à la litanie ni de droite ni de gauche. De toutes les confusions, celle-là est la plus mortelle. Précisément, la vie politique souffre depuis 10 ans de cette absence de différenciation. La société, le peuple, les électeurs réclament la clarification. A gauche, des boulevards ont été laissés aux courants populistes, justement parce que cette identité est aujourd'hui obstruée. L'aspect moderne du ni droite ni gauche n'est qu'un leurre. Tous les choix à faire qu'ils concernent l'extension des droits, la cohésion sociale, le service public admettent une réponse de droite et une autre de gauche. Ce n'est pas parce que le Mur de Berlin est tombé, qu'il n'y a plus d'intérêts divergents au sein des sociétés et que les expressions politiques de ces divergences sont appelées à disparaître. Quant à «la bande de copains», c'est tout mignon, mais Driss Ajbali sait mieux que tout le monde que ce qui prédétermine génétiquement un mouvement politique, c'est le besoin social auquel répond sa naissance. C'est l'adéquation entre les besoins de la période historique et le projet qui donne les chances de réussite. Après, bien évidemment, interviennent le charisme et l'habileté des dirigeants. La personne de Fouad Ali El Himma n'est pas en cause. L'auteur de ces lignes n'a jamais renié la considération et l'affection qu'il a pour l'homme. Son organisme politique non identifié est, lui, perturbateur pour la démocratie en cette phase délicate. Les réunions bien préparées, qui remplissent des salles de 1000 personnes ne signifient rien, Abdelkrim Benatik a fait des meetings avec des milliers de personnes et a échoué dans sa circonscription. C'est le projet qui est déterminant, pas l'homme qui le porte. La comparaison avec El Gahs et son silence assourdissant est sans fondement. El Gahs relève d'une autre galaxie, plus complexe mais beaucoup plus profondément ancrée dans le paysage. Je peux rassurer Driss Ajbali, El Gahs sortira de son silence dans les prochains jours. Enfin, et c'est là où la chronique d'Ajbali est la plus déroutante, la monarchie n'a pas besoin de décodeur. Il croit voir en « Fouad » la matérialisation de la popularité du Roi. Cette légitimité-là, personne ne la conteste depuis longtemps et toute la construction faite depuis 75, visait justement à garder une monarchie exécutive, tout en l'éloignant des joutes partisanes. L'attitude des amis d'El Himma, la perception de ce mouvement laissent penser que l'on se dirige vers une monarchie non pas exécutive, mais hégémonique. Cela constituerait une sacrée sortie de route. Heureusement que l'on sait qu'El Himma est sincère quand il revendique l'autonomie de son action. Il faut en convaincre son fan-club.