Ce texte est la traduction d'une étude développée par Oxford Business Group, le 20 janvier 2006, et rendu accessible grâce à la courtoisie de la Fédération de l'énergie présidée par Moulay Abdallah Alaoui. Dans un climat de flambée des coûts énergétiques, la nouvelle loi de Finances du Maroc a ranimé le débat concernant la durabilité et l'efficacité du système de fixation des prix pour les denrées de première nécessité. En effet, alors que le Royaume a fait de grands progrès favorisant la libéralisation en réussissant son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OTC) il y a plus de 10 ans, l'économie de ce pays reste tributaire d'un système obsolète et inefficace de fixation des prix concernant 24 denrées de première nécessité. Parmi lesdites denrées figurent les céréales, la farine et le sucre. Visant à soutenir les consommateurs intermédiaires et finaux contre des hausses de prix, ce système est géré par la Caisse de compensation. Alors qu'en période de bonnes performances, l'Etat arrive à équilibrer le budget du fonds en fixant les prix internes juste au-dessus des prix mondiaux; en période difficile ceci peut rendre nécessaire de marcher sur la corde raide financière. Il s'en suit que ledit fonds doit aux quelques compagnies pétrolières opérant sur le marché local le montant de 4,7 milliards de MAD, en baisse de 6 milliards de MAD, en octobre dernier par suite des efforts déployés par le gouvernement permettant de commencer à payer ses arriérés en forte augmentation. Ladite dette devrait être réduite d'un montant additionnel de 3,17 milliards de MAD lorsque l'Etat respectera sa promesse de payer encore 1 milliard de MAD à la fin du mois. Basé sur l'hypothèse optimiste, les prix mondiaux du pétrole qui se stabiliseraient en moyenne à 50 $ le baril en 2006, le budget prévoit 9 milliards de MAD, légèrement en dessous des 2% du PIB pour les frais de compensation dont 78% seront dirigés vers le marché des hydrocarbures. Entre-temps, alors que le gouvernement peine à respecter ses engagements et a recours aux retards de paiements pour équilibrer sa comptabilité, les compagnies pétrolières se plaignent du fait qu'elles ont été obligées de supporter la lourde somme de 250m MAD en coûts financiers en 2005. Certaines font même savoir que lesdits arriérés pourraient résulter en des suspensions d'approvisionnements. D'un autre côté, selon les analystes, la libéralisation des prix des hydrocarbures signifierait une augmentation subite du litre de diesel de 17%, c'est-à-dire un choc externe que plusieurs opérateurs marocains auraient du mal à absorber, surtout qu'ils peinent pour la mise à niveau et pour maintenir leur place dans un climat de concurrence toujours plus rude sur le plan international. Le gouvernement a déjà procédé à deux augmentations de prix en mai et en août derniers, ce qui a résulté en une augmentation double de 10,7% sur l'essence et de 13,9% sur le diesel. Mohamed Boutaleb, ministre de l'Economie, a présenté lesdites hausses comme symboliques, bien que ces dernières aient provoquée une augmentation au mois de décembre dans les tarifs des taxis à Casablanca, la capitale économique du pays, le coût minimal étant en hausse de 40%. En même temps, les opérateurs privés ont, eux aussi, commencé à augmenter leurs tarifs bien qu'avec plus de modération. Entre-temps, les prix du gaz sont restés à leurs niveaux actuels afin de protéger les ménages contre les effets indésirables d'un «atterrissage d'urgence». En effet, les analystes estiment qu'une libéralisation des prix du butane, très répandu dans le pays pour le chauffage et la cuisine, pourrait occasionner une hausse de 100% un choc que beaucoup de ménages modestes seraient incapables de digérer, posant éventuellement une menace pour la stabilité du pays. Alors que le produit le plus lourd à réguler reste clairement les hydrocarbures, les opérateurs marocains se plaignent également de la fixation des prix pour plusieurs biens de première nécessité tels que le sucre et la farine. Bien que la loi la plus récente relative aux prix et à la concurrence ait été conçue pour déréguler les prix contrôlés restants avant le mois de juillet 2006, actuellement le gouvernement reconnaît qu'il est obligé de retarder ladite dérégulation. En effet, avec l'initiative de Sa Majesté concernant le développement humain visant à améliorer le bas niveau de vie, actuellement à ses débuts, ladite dérégulation ferait des dégâts chez les groupes les plus vulnérables. Cela pourrait également «éroder» les objectifs de ce programme si ambitieux. Pourtant, le système de compensation agit également de subterfuge. En créant des distorsions à chaque stade de la chaîne de valeurs, la fixation des prix rend impossible l'identification d'où se trouve l'origine du manque d'efficacité et de la compétitivité. Certains constatent que ceci réduit l'incitation basée sur le marché, amenant les entrepreneurs à entamer les mesures nécessaires pour améliorer leur compétitivité rendant progressivement difficile le contrôle des coûts de la production et donc de la compensation. Les analystes estiment que 56% du prix d'une bonbonne de butane atteint des marges bénéficiaires à tous les niveaux de la chaîne de production. Par conséquent, quels que soient les effets négatifs à court et à moyen termes, il paraît évident que le gouvernement doit trouver une solution permettant de casser le cercle vicieux, et ce le plus tôt possible. Même le directeur du Fonds de compensation, Najib Benamour, déclara récemment à la presse : "Nous ne pouvons pas continuer à mettre en œuvre éternellement ce système, nous devons avancer dans le sens de la libéralisation. Un autre défaut du système a pour origine le fait que les subventions concernées ont été calculées il y a 10 ou 15 ans ayant pour base la structure des coûts en cours à cette époque-là. Alors que la loi régissant le système de compensation permette des révisions annuelles de la structure des coûts, il semble que l'Etat ait négligé de mettre en œuvre cette disposition aggravant ainsi l'opacité et l'inefficacité du système. En général, le système de compensation donne lieu à des incertitudes mettant ainsi un frein à l'investissement privé, c'est-à-dire un effet renforcé par le fait que les autorités reconnaissent que le système devra faire l'objet de réformes ou être tout simplement aboli, cependant,elles hésitent à se prononcer sur le moment opportun et la manière de le faire. Une solution à cette énigme serait de libéraliser les prix, tout en protégeant les groupes vulnérables par des subsides directs. Cependant, ceci pourrait occasionner des effets indésirables en agissant comme dissuasion auxdits groupes, à réduire leur vulnérabilité, étant donné que leur profitabilité ou la balance du budget des ménages serait assurée de manière artificielle. Une autre option consisterait en la mise en place d'un système mixte, à travers lequel uniquement les groupes vulnérables auraient droit à cette subvention, mais ceci serait très difficile à mettre en œuvre correctement et à contrôler, laissant ainsi de fortes possibilités d'abus généralisées. De quelle que manière que ce soit, la visibilité économique étant au cœur de l'affaire, il serait opportun que le gouvernement annonce un emploi du temps crédible relativement à la libéralisation graduelle des prix et d'y adhérer strictement. Les efforts actuels du Royaume sur la voie de la modernisation le mériteraient amplement.