«Collection Fondation ONA- Art contemporain», c'est un nouveau document qui vient enrichir les écrits sur l'évolution des arts plastiques au Maroc, à travers le fond de la Fondation ONA. Rachid Slimi, président de cette Fondation, nous en parle. ALM : Votre ouvrage est-il un livre d'histoire ou de critique d'art ? Rachid Slimi : C'est plus un livre d'histoire et un hommage intelligent qui se veut structurant pour l'avenir des activités de la Fondation ONA, notamment dans le domaine culturel. Cet ouvrage n'est pas un livre occasionnel, c'est un livre qui fait le point sur tout ce dont dispose la Fondation ONA, un petit échantillon représentatif d'un fond pictural de la Fondation avec les différentes tendances et courants artistiques qui se sont accumulés depuis la création de la Fondation en 1986. Mais le livre concerne la période s'étendant entre 1991 et 2005. C'est durant cette période qu'il y a eu le plus d'acquisition d'œuvres d'art. Maintenant, pourquoi j'ai dit livre structurant et intelligent ? C'est un livre qui nous permet de connaître notre actif, de mieux orienter et établir éventuellement une nouvelle politique d'acquisition et, partant, de la varier. Par exemple, on peut remarquer dans ce livre que le courant oriental n'existe pas, que les œuvres d'art contemporain présentées restent relativement limitées, qu'il n'y a pratiquement aucune ouverture sur les nouvelles tendances qui sont exprimées par une très forte population de jeunes Marocains qui sont basés aussi bien au Maroc qu'à l'étranger, avec des styles d'art ou de créativité relativement assez avant-gardiste. L'appellation «Art contemporain marocain» n'est-elle pas problématique, quand on constate qu'elle exclut la contribution pourtant considérable des artistes étrangers à l'évolution du secteur plastique au Maroc ? Nous nous sommes posé la question au sein de la Fondation ONA, ne serait-ce que parce qu'il vaut mieux parler d'art contemporain au Maroc. En effet, il y a une très grande influence des artistes non marocains, qui ont aussi imprimé un style et une démarche à d'autres artistes marocains qui ont marqué ces quarante dernières années. Et puis, nous croyons beaucoup à un principe qui préside à nos activités au sein de la Fondation, à savoir la diversité. Ce n'est pas une clause de style, mais parce qu'aujourd'hui le monde, que ce soit dans les domaines d'économie, de culture ou de société, exige impérativement qu'on tienne compte de ce qui se passe dans l'environnement international. En parlant d' «art contemporain», cela veut-il dire qu'il est possible de le situer dans la temporalité ? C'est une question extrêmement difficile, sachant que beaucoup de productions restent un peu méconnues et qui correspondent à l'arrivée des Français et des Espagnols au Maroc, sans compter un courant méconnu resté très discret et qui s'est exprimé dans la ville de Tanger à travers des créations d'Américains, d'Anglais et d'Européens du Nord (Scandinavie). L'art contemporain peut également être compris par rapport à des préoccupations thématiques liées à une certaine actualité. Et tout cela est exprimé artistiquement par une touche dans des formes géométriques ou des perspectives qui connaissent des « fantaisies », qui donnent une marge d'imagination et de créativité un peu plus importantes et qui ne délimitent pas l'interrogation ou l'interpellation par rapport à un moment bien précis. Cela peut avoir un effet d'imagination et de réflexion rétrospectif, mais qui permet également et surtout de se projeter dans l'avenir. Le travail de collection que vous faites est certes d'une grande utilité, mais est-il suffisant pour préserver un patrimoine livré à la spéculation, si ce n'est carrément au trafic illicite ? En procédant à cette collection, nous aurons accompli un travail de mémoire structurant et qui devrait être perçu comme une contribution parmi tant d'autres. Je pense aux pouvoirs publics, à d'autres fondations, à d'autres structures qui devraient prendre des initiatives pareilles en tenant compte de leurs spécificités.