Réduction des coûts des transferts de fonds de la diaspora africaine Evénement » Le coup d'envoi du Forum sur la réduction des coûts des transferts de fonds de la diaspora africaine a été donné jeudi à Rabat. Cet événement de deux jours est une occasion pour identifier les leviers afin de soutenir cette activité. Une action diplomatique d'envergure des pays africains est nécessaire pour faire face au durcissement des conditions de prestations de l'activité d'envoi de fonds, notamment en Europe. Cet appel est lancé par Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de son intervention à l'ouverture du Forum de Rabat sur la réduction des coûts des transferts de fonds de la diaspora africaine. Cet événement co-présidé par le Maroc et le Togo vise à identifier les défis et d'initier la réflexion sur les leviers qui pourraient soutenir la dynamique de ces flux au niveau continental. Dans son allocution, M. Jouahri a mis l'accent sur les pratiques en vigueur en Europe et qui présentent un défi pour les filiales bancaires du continent y compris les marocaines d'entre elles. « Plusieurs autorités bancaires de pays de l'Union ont décidé de suspendre l'activité d'intermédiation opérée par les filiales bancaires situées en Europe auprès de la diaspora et pour le compte de leurs maisons mères marocaines. Les conditions de prestation de cette activité vont davantage se durcir si le projet de directive européenne relatif notamment aux succursales de pays tiers est voté en l'état», fait savoir M. Jouahri. Et de poursuivre que «ce projet, dont l'adoption est imminente, prévoit l'interdiction pour les banques étrangères non établies dans l'UE d'offrir des services bancaires du pays d'origine directement à leurs clients résidant dans un pays de l'Union». Parmi les défis identifiés par le gouverneur de Bank Al- Maghrib, on cite également la convention de l'OCDE portant sur l'échange d'informations fiscales. L'entrée en vigueur prochaine de cette disposition suscite, selon M. Jouahri, la grande inquiétude des Marocains du Monde. «Il sera nécessaire d'œuvrer, dans l'intérêt de notre continent et de nos compatriotes, pour que cette norme soit déployée sans entraver les transferts de fonds des migrants», indique-t-il. Pour ce qui est des coûts, Abdellatif Jouahri a salué la décision du G20 de retenir dans sa feuille de route d'amélioration des paiements transfrontaliers dans l'objectif de faire ramener le coût moyen d'un transfert à 3% à l'horizon 2030 et qu'aucun corridor de transfert n'affiche un coût moyen supérieur à 5%. «Au Maroc, nous avons été sensibles très tôt à cette question de coût. Bank Al-Maghrib a d'ailleurs décidé, dès 2009, de lever toute clause d'exclusivité liant les opérateurs internationaux de transferts de fonds à leurs partenaires au Maroc. Cette mesure a permis de réduire significativement ces coûts », peut-on relever du gouverneur de Bank Al-Maghrib. Il est à noter que cet objectif de réduction des coûts des transferts de fonds de la diaspora africaine s'aligne sur les Objectifs de développement durable de 2030 (ODD) et l'objectif 20 du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, celui de rendre les envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux et favoriser l'inclusion financière des migrants. Les leviers identifiés Le digital reste en effet le levier pour renforcer l'activité de transferts de fonds et réduire de facto les coûts y afférents. « Ce changement de paradigme va profiter en particulier à la jeune génération de migrants qui est native de l'internet et répondre à ses exigences. Une concurrence plus accrue sur ce marché, poussée par l'émergence de nouveaux concurrents disruptifs, a d'ores et déjà infléchi la tendance», indique M. Jouahri. Et de préciser que «cette digitalisation va devoir renforcer la bancarisation tant des migrants que de leurs familles récipiendaires». Le wali de Bank Al-Maghrib rappelle dans ce sens que le G20 a retenu les monnaies digitales des banques centrales parmi les leviers d'amélioration des paiements transfrontaliers. «Certains projets comme le Dunbar et le Jura, qui ont été menés entre plusieurs pays sous l'égide de la Banque des règlements internationaux, ont permis d'identifier les défis à relever, notamment en matière d'interopérabilité, de gouvernance et de cadre juridique », souligne-t-il. Abdellatif Jouahri a par ailleurs mis l'accent sur le rôle que devraient jouer les transferts de fonds dans la croissance économique. «Les études portant sur les liens entre les transferts des migrants aux familles et le développement des pays d'origine concluent que l'investissement productif des diasporas dans leurs pays reste faible», peut-on retenir de M. Jouahri. Et de préciser que «c'est dans ce cadre que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a réitéré son appel, lors de son discours royal du 20 août 2022, à l'ensemble des institutions nationales, de faire le bilan des actions entreprises et des politiques publiques menées à l'endroit de la diaspora marocaine et en tirer les conséquences en vue de mieux répondre à leurs attentes, intérêts et droits, appuyer leurs projets d'investissement, repenser et promouvoir leur contribution au rayonnement et au développement du Maroc». Abdellatif Jouahri a dans ce sens mis l'accent sur les nouveaux instruments qui se mettent en place, en réponse aux Hautes orientations de Sa Majesté dans son discours, à savoir la nouvelle Charte de l'investissement et le Fonds Mohammed VI pour l'investissement et la loi sur les partenariats publics-privés. Des mécanismes qui, selon le wali de Bank Al-Maghrib, ne peuvent que conforter les Marocains du Monde pour qu'ils orientent une partie de leur épargne vers l'investissement productif. Quid du Maroc ? Se référant à Abdellatif Jouahri, les transferts de fonds ont affiché une résilience durant la crise sanitaire. La Banque mondiale a observé durant cette période un record de croissance estimé à +10% à l'échelle mondiale et 14% pour les envois à destination de l'Afrique. Même tendance observée au Maroc. Les recettes en provenance des Marocains du Monde ont culminé de 37% en 2021 et de 13% en 2022 marquant ainsi un bond historique. Elles ont ainsi atteint 8% du PIB, elles ont financé plus du tiers du déficit commercial et ont représenté près de 20 % des ressources collectées par les banques. S'agissant des transferts opérés en digital, leur part a triplé entre 2016 et 2019 se situant, selon la Banque mondiale, autour de 17,6 %. La survenance de la pandémie Covid a accéléré cette tendance portant la part du digital à 32% à fin septembre 2022. Au Maroc, les flux de transferts reçus de l'étranger sont captés par le circuit bancaire et les établissements de paiement. «Pour les 2 catégories d'acteurs, le recours au digital connaît une croissance certaine, plus à l'émission qu'à la réception, mais avec néanmoins une marge de progression qui demeure importante», peut-on conclure de Abdellatif Jouahri.