L'IER vient d'annoncer avoir identifié les tombes des victimes des événements de décembre 1990 à Fès. Une équipe de cette instance se déplace aujourd'hui dans cette ville pour une cérémonie de pose d'épitaphes. Une équipe de l'IER (Instance Equité et Réconciliation) devait se déplacer aujourd'hui à Fès pour la cérémonie de pose d'épitaphes sur les tombes des victimes des événements survenus les 14, 15 et 16 décembre 1990. Hier lundi 28 novembre 2005, un communiqué succinct de cette instance annonçait l'identification de 106 tombes appartenant aux victimes de ces événements et ce suite aux actions menées par le groupe chargé des investigations au sein de l'équipe de Driss Benzekri et dirigée par Abdelaziz Bennani, l'ex-président de l'OMDH. Selon l'IER, les travaux de cette équipe ont abouti à l'identification de 106 tombes dont les 99 sont localisées dans le cimetière de Bab El Guissa. Les sept autres tombes appartiennent à des victimes non identifiées qui ont été enterrées au cimetière Boubker Ben Larbi près de l'Hôpital Khattabi dans la même ville. L'instance indique avoir recoupé les informations obtenues avec les renseignements fournis par le ministère de la Santé et le parquet de Fès. Conclusion, et hormis les sept tombes du cimetière Boubker Ben Larbi, les autres victimes ont été inhumées à l'époque des faits en présence de leurs familles. C'est la troisième fois en moins de deux mois que l'IER fait une annonce de ce genre après les révélations sur les dizaines de victimes inhumées à Chichaoua (groupe Moulay Chafiî et Berkatou), Agdez, Tagounit et Kelaât M'Gouna. Les événements de la mi-décembre 1990 à Fès ont éclaté après l'appel conjoint de l'UGTM (Union générale des travailleurs marocains) et de la CDT (Confédération démocratique du travail) pour une grève générale de 24 heures à travers le pays, le vendredi 14 décembre 1990. De graves incidents avaient alors éclaté dans plusieurs villes marocaines avec un « pic » à Fès et notamment dans quatre quartiers périphériques de la capitale spirituelle : Aouinat Lhejjaj, Bensouda, Lemrinyine et Bab Ftouh. Pour Mohamed Titna Alaoui, à l'époque premier responsable de l'UGTM à Fès, « il est difficile de dire comment tout avait commencé». L'actuel conseiller affirme que son syndicat avait tout fait pour attirer l'attention sur une « situation intenable» dans une «ville ouvrière oubliée, écrasée sous le poids de l'exode rural et une actualité devenue presque quotidienne de fermeture des usines et entreprises». «J'en garde un souvenir d'amertume et je préfère tout oublier », ajoute Mohamed Titna Alaoui détenu pendant plus de vingt jours avant d'être relaxé faute de preuves, les écoutes téléphoniques l'ayant ciblé ayant été déclarées illégales. Ce 14 décembre 1990, se souvient-il, il a été convoqué par le gouverneur de Fès de l'époque et arrêté sur le champ. Ledit gouverneur, selon Titna Alaoui aurait aggravé la situation le jour de la grève. Les Fassis se souviennent qu'il a pris la décision de confier la conduite des bus de la Régie autonome de transport urbain à des éléments des Forces auxiliaires. Les tickets étaient fournis à l'oeil. Les déplacements auraient facilité l'embrasement. Car, le mot d'ordre des deux syndicats était de faire de Fès une ville morte et que chacun reste chez soi. Ce jour-là, tout a commencé à Aïn Kadouss avec un policier qui aurait tiré sur la foule. Des tirs similaires sont attribués à la Gendarmerie royale à Bensouda. Samedi 15 décembre 1990, l'armée intervient, artillerie lourde et chars à l'appui pour ramener le calme. A l'époque, les autorités donneront le chiffre de cinq morts et 130 blessés. Avant qu'une commission d'enquête dirigée par Feu Maâti Bouabid ne rectifie les choses en avançant près de 40 morts. Des centaines de personnes sont poursuivies pour «rébellion, attroupement armé, coups et blessures et destruction de biens publics». Hamid Chabat, actuel maire de Fès en fait partie, mais s'éclipse pendant plus de six mois. En 1996, se souvient-il, il a été enfin innocenté. «Après Franco, l'Espagne a tourné la page pour aller de l'avant. Il faut construire l'avenir ensemble et il est temps de s'y mettre » déclare à ALM le maire de Fès qui ajoute ne pas trop aimer revenir sur cette époque. Fès sortira meurtrie de cette mi-décembre 1990. Et en gardera des séquelles pour longtemps.