La restriction dans la délivrance de visas par la France aux ressortissants marocains n'en finit pas de provoquer mécontentement, incompréhension voire colère. Les réseaux sociaux pullulent de posts de protestation et chacun de nous connaît, dans son entourage, dans ses relations, des personnes qui ont souffert et souffrent encore de cette situation. Ça peut être des amis empêchés d'assister au mariage d'un proche, ça peut être des familles dans l'impossibilité de se réunir, ça peut être des rendez-vous professionnels manqués ou tout simplement des amoureux de la France privés de séjour de vacances. Avouons-le, l'amitié qui unit les deux pays en est fortement ébranlée et mérite mieux que ça. Quoi de plus normal donc que les Franco-Marocain(e)s, qui sont le symbole de chair et de sang de ce lien qui unit le Maroc et la France, se sentent concernés et réagissent. Alors, certes, d'aucuns diront que possédant la double nationalité, ils ne sont pas touchés mais cela est faux. Tout d'abord car tout ce qui entrave les liens entre nos deux pays nous blesse, mais aussi car nous vivons cela comme une injustice, une mauvaise manière faite à nos compatriotes. Et croyez bien que nous réagirions à l'identique si la situation était inverse... La surenchère des Zemmour, des Le Pen et autres Ciotti durant la campagne électorale a provoqué bien des dégâts dans les esprits et les graines de haine semées continuent de pousser, mais en quoi des citoyens marocains devraient-ils payer les pots cassés des dérives de la politique française gangrénée par le racisme et le repli frileux sur elle-même. Bien au contraire, la France n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle est ouverte, accueillante, porteuse des valeurs qui l'ont faite. Le Maroc est un allié et un ami depuis toujours, les Marocain(e)s aiment la France, il n'y a pas une famille qui n'ait pas au moins un de ses membres en France, les Français installés au Maroc y sont chez eux, les touristes qui y viennent y trouvent un accueil chaleureux. Les Franco-Marocains ont toujours montré leur attachement aux deux Nations : ils le disent, l'écrivent et le vivent. Bien sûr certains jeunes d'origine marocaine peuvent se laisser aller à de mauvais comportements en France, mais ce n'est pas leur origine qui en est la cause et il faut dire haut et fort qu'ils sont très minoritaires, l'immense majorité de la communauté d'origine marocaine y vit de façon paisible et contribue grandement à son développement. Alors pourquoi pénaliser celles -et ceux- qui sont des éléments actifs des relations positives entre nos deux pays sous prétexte qu'il y a des clandestins en France ? Quel rapport ? Car précisément ceux qui demandent des visas ne sont nullement ceux qui seraient tentés par une émigration clandestine ! Alors fermons cette mauvaise parenthèse et reprenons -ou plutôt enrichissons encore- les liens entre nous : les Marocain(e)s sont un vecteur du rayonnement de la France, n'est-ce pas au Maroc que le plus grand réseau culturel français est installé ? La dignité et le respect des Marocains sont précieux autant que le sont ces mailles du tissu humain, culturel, historique, social...qui nous unissent ! Je vous livre ici la tribune publiée et signée par des Franco-Marocains, écrite par Salah Bourdi, président du Cercle Eugène Delacroix. «France-Maroc, en finir avec la crise des visas ! Le Maroc et la France se connaissent bien. Les relations, anciennes et profondes, ont trouvé depuis de nombreuses années un équilibre basé sur la confiance et l'égalité. «Le Maroc est un pays ami et un partenaire stratégique pour la France», insistait Emmanuel Macron tout juste élu, lors de son premier déplacement hors d'Europe, à Rabat à l'invitation de Mohammed VI en 2017. A cette amitié s'ajoutent les intérêts communs et les liens du quotidien entre nos deux nations à travers notamment des millions de binationaux. Si, dans toute relation, peuvent surgir des turbulences, l'important est ailleurs. Il se situe dans la loyauté, dans la certitude que l'autre sera bien présent si le besoin s'en fait sentir. Le Cercle Eugène Delacroix regrette qu'aujourd'hui, des problèmes concrets certes, mais aisément surmontables, mettent à mal la qualité des liens entre la France et le Maroc en affectant directement des milliers de Marocaines et de Marocains dans leurs rapports à la France. A l'heure des incompréhensions, au regard des intérêts communs et des liens solides, il est temps de se dire les choses et d'avancer. Un des points d'achoppement se trouve dans la question des visas accordés aux ressortissants marocains. Il y a, en effet, peu de gain de la part du ministère de l'Intérieur français à avoir, en septembre 2021, réduit de moitié le nombre de visas octroyés aux ressortissants marocains. En se basant sur l'année 2020, celle du Covid, pour décider du nombre de titres à délivrer. Cette décision politique de restriction à la circulation pose de sérieux problèmes sur le plan économique, culturel et symbolique. Elle pose des problèmes quotidiens aux étudiants, aux familles, aux travailleurs et autres touristes marocains. Elle pose des difficultés constantes aux acteurs économiques des deux rives et à notre développement économique commun. Elle blesse des Marocains dans leur amour propre, notamment ceux qui remplissent toutes les conditions à l'obtention d'un visa et qui se voient refuser, après des semaines de lourdes formalités administratives, l'entrée sur le territoire français. Le corps consulaire français établi au Maroc et qui réalise un travail considérable, est embarrassé. Les Marocaines et les Marocains, qui aiment sincèrement la France, sont désabusés. Les problèmes liés à la gestion des mineurs isolés et à l'application, plus générale, des OQTF (Obligation de quitter le territoire français) qui sont à l'origine de la décision politique de réduire drastiquement le nombre de visas, doivent rester ce qu'ils sont : des problèmes techniques qui doivent trouver une solution technique ! Le Maroc a exigé un test PCR négatif à toute personne voulant entrer sur son territoire, c'est son droit. Voilà une brèche que beaucoup ont utilisée pour ne pas retourner au pays. Refuser de se soumettre à un test PCR est parfaitement légal au pays des droits de l'Homme. Alors, quelles solutions pour les Marocains amoureux de la France, qui participent par leur visite au rayonnement de notre pays ? Doivent-ils se tourner vers d'autres partenaires? L'image de la France, la francophonie, nos relations commerciales et sécuritaires doivent-elles pâtir de cette décision politique? Le sujet de la migration prend de plus en plus de place dans le débat français. La présence de plusieurs centaines de milliers de «personnes en situation administrative irrégulière» (toutes nationalités confondues) sur le territoire français est un problème politique sérieux. Pour la première fois dans l'histoire de la Vème république, trois candidats de l'extrême droite concourraient à l'élection suprême ! Chaque partie doit faire un pas, qu'importe qui fera le premier. Mais les débats franco-français ne doivent plus avoir comme répercussion politique d'affecter les liens stratégiques entre le Maroc et la France. Comme l'a écrit le Franco-marocain Tahar Ben Jelloun, «la politique dénature et ruine l'amitié». Il ne faudrait pas que l'érosion lente de l'amitié franco-marocaine touche à notre commun, à nos projets et à nos intérêts. Ne laissons pas des manœuvres politiciennes altérer notre marche commune vers une intégration régionale en Méditerranée. Les élus du Cercle Eugène Delacroix, les millions de binationaux, les millions d'amoureux de cette belle amitié franco-marocaine appellent les gouvernements français et marocain à la raison. La politique française des visas doit revenir à la normale, la France est un grand pays, aimé, attendu et espéré au Maroc et à travers le monde».