Après le scandale des immeubles R+3 construits en face de la résidence royale de Marrakech, c'est au tour du palais Royal d'Agadir de vivre pratiquement le même scénario. Dans l'un comme l'autre cas, S.M le Roi Mohammed VI a été scandalisé. La ville d'Agadir a vécu le week-end dernier au rythme d'une affaire qui a secoué les milieux locaux. De retour de la prière du vendredi 28 octobre et alors qu'il s'apprêtait à regagner son palais situé dans la circonscription de Ben Serghaou, S.M le Roi Mohammed VI a été surpris par une immense agitation alentours. Celle-ci est générée par les travaux d'un complexe immobilier en cours de construction. Des villas R+1 essentiellement. Colère du Souverain. L'histoire ne s'arrêtera pas là. Le même jour, vers 22 heures, les pelleteuses sont entrées en action. Démolition des constructions encore au stade de gros œuvres en présence des autorités locales, d'un bataillon de militaires et de quelques ministres concernés directement par le dossier. Branle-bas de combat sur fond de tension. La nouvelle se répand aussitôt comme une traînée de poudre. L'ambiance générale qui devait être une ambiance de fête en raison de la visite royale dans le Souss tourne subitement au vinaigre. Les visages se ferment. Et les langues se délient. Renseignement pris, le chantier en cause appartient à la famille du maire USFP de la ville Tarik Kabbage par ailleurs grand exploitant agricole dans la région. Le terrain d'une superficie de quatre hectares était la propriété du père de ce dernier depuis les années 50. Bloquée depuis une dizaine d'années, l'autorisation de construire n'a été délivrée que récemment en mars 2004. Le projet, il est vrai, a reçu toutes les autorisations nécessaires. L'avis conforme de l'agence urbaine, l'aval du conseil municipal et l'onction indispensable du secrétariat particulier de S.M le Roi puisqu'il s'agit d'une zone royale. C'est ce que nous a affirmé M. Kabbage qui semblait ne pas tellement comprendre pourquoi les bulldozers se sont acharnés illico sur un complexe de 70 villas “ pourtant conforme à la loi, distant de près d'un kilomètre du Palais Royal et qui en plus bénéficie d'une faible occupation du sol“. Alors où est le problème ? Un officiel, présent sur les lieux, indique sous couvert de l'anonymat que le promoteur a failli en faisant fi du respect dû aux palais et résidences royaux. “ Les palissades et les grues, explique-t-il, arrivaient jusqu'à l'entrée principale du Palais. Une agression qui a naturellement suscité le courroux de S.M le Roi“. Premier à faire les frais de ce scandale, le directeur général de l'agence urbaine Sayfeddine Fassi Fihri. Limogé le lendemain. Pour un autre responsable, cette affaire pose un problème de fond lié à l'environnement des demeures royales. Selon lui, celui-ci a besoin d'une requalification certaine de telle sorte de le préserver de tout ce qui est de nature à le perturber. Il ajoute : “ À l'instar de ce qui se passe ailleurs que ce soit sous les monarchies ou dans les républiques, il existe une zone tampon vierge de toute construction“. Et de citer les exemples de la France, des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne. À la faveur de ce dossier, on parle, d'ores et déjà, dans les coulisses d'une réforme des plans d'aménagements et des plans de développements ( hors périmètre urbain). Objectif : prendre à l'avenir en compte dans ces documents d'urbanisme le voisinage des demeures royales en les présentant pour approbation au secrétariat particulier de S.M le Roi. Autrement dit, privilégier la concertation avec ce dernier dès qu'il s'agit de chantiers avoisinant les palais et les résidences du Souverain. L'affaire d'Agadir n'est pas la première du genre. Un dossier similaire a défrayé la chronique il y a quelques mois dans la ville de Marrakech où un complexe résidentiel de R+3, en bonne et due forme, a poussé en face de la résidence royale dans une zone baptisée “Jnane Lakbir“ sur la route de Meknès. Là aussi, colère royale qui a débouché sur une inspection du ministère de l'Intérieur, laquelle a entendu une brochette de responsables locaux dont l'ex-wali de Marrakech Mohamed Hassad, aujourd'hui aux manettes de Tanger (voir ALM n°1012 du 19 octobre 2005). Il semble que le propriétaire du chantier de la capitale du Souss sera rétabli dans ses droits. Dédommagement en vue. Même traitement prévu pour les promoteurs de Marrakech.