Question foncièrement capitale, a-t-on été dans ce dossier jusqu'au bout de la chaîne des responsabilités ? Une affaire agite depuis quelque temps la ville de Marrakech où il flotte comme un parfum de scandale. Ici, les personnalités locales se racontent en privé les détails avec une certaine délectation. Il faut dire qu'elle n'est pas banale. Alors de quoi s'agit-il ? L'histoire concerne un problème foncier et immobilier. Lors de sa dernière visite dans la cité ocre en janvier dernier, S.M le Roi Mohammed VI découvre, très surpris, un pâté d'immeubles R+3 construits en face de sa résidence. Comment cela a-t-il pu arriver ? Qui a autorisé les travaux dans cette zone ? Branle-bas de combat. Pour tirer cette histoire au clair, une commission d'inspection, diligentée par le ministère de l'Intérieur, a entendu récemment les protagonistes de l'affaire y compris l'ex-wali de la région, Mohamed Hassad, devenu entre-temps wali de Tanger. Le rapport remis à qui de droit a, semble-t-il, épinglé deux hauts fonctionnaires de l'époque, à savoir le patron de l'agence urbaine et le gouverneur de la préfecture de Sidi Youssef Ben Ali. On leur reproche d'avoir donné leur aval pour l'autorisation de construire. Question foncièrement capitale, a-t-on été dans ce dossier jusqu'au bout de la chaîne des responsabilités ? Or, le projet litigieux ne va pas à l'encontre de la loi car prévu dans le plan d'aménagement adopté en 2000 sous le mandat du ministre de tutelle, Mohamed El Yazghi. Mais personne n'a songé paraît-il à bloquer un chantier pourtant clairement disgracieux mais certainement précieux. Nul n'est censé ignorer que l'usage dans ce pays veut que l'on ne construise pas aux abords des palais ou des résidences Royaux. Et pourtant ce fut fait. Certes, les autorisations furent dûment délivrées avant l'arrivée de M. Hassad en octobre 2001. Mais en sa qualité de premier patron de la ville, il avait toute latitude de remettre en cause les travaux engagés. Mais il ne l'a pas fait. Pourquoi ? En tout cas, l'intéressé a acquis la réputation, réelle ou supposée, d'avoir faire beaucoup de bien à Marrakech et de posséder l'art et la manière de débloquer les situations les plus complexes. Le mot blocage ne fait partie de son langage. Mais cette affaire a passablement écorné son image même s'il a été blanchi par les enquêteurs du ministère de l'Intérieur. En vérité, ce scandale est emblématique de la fièvre spéculative, foncière et immobilière qui s'est emparée de la capitale du sud. La voracité est telle qu'il est devenu possible de faire marcher la bétonneuse partout. Rien n'échappe à l'avancée inexorable des pelleteuses. Les prix montent en flèche. Le mètre carré atteint des sommets dans un chassé-croisé d'intérêts personnels. Encore heureux que l'enceinte de la résidence Royale fut épargnée. Dérive inquiétante ou, comme ils disent, développement de Marrakech ? Une chose est sûre : Il faut sérieusement sauvegarder le cachet et l'âme de la cité que certains amoureux de la ville commencent déjà à regretter. Il fut un temps où il était possible d'admirer depuis n'importe quel coin de Marrakech les belles montagnes de l'Atlas. Cette perspective est de plus en plus bouchée par les constructions. Course effrénée vers l'argent et le gain facile au détriment d'une gestion maîtrisée de l'urbanisme local. On ne pense qu'à la saison touristique de Marrakech. Mais qui se soucie vraiment de son horizon ?