Le procès des cocaïnomanes, arrêtés à Marrakech, reprend ce vendredi dans la ville ocre. Il concerne dix-sept fils de notables, épris de la cacaïne. Ce procès dévoile au grand jour une drogue dure qui a de nombreux adeptes au Maroc. La cocaïne s'est inscrite doucement dans les habitudes des toxicomanes marocains. Les saisies répétées et les scandales relatifs à l'overdose de fils de notables ne sont que la face cachée d'un fléau trés répandu. Ça chauffe à Marrakech, bien avant la saison. Et pour cause, le procès des 18 individus poursuivis pour trafic et consommation de cocaïne par le tribunal de première instance de Marrakech reprend aujourd'hui. Une affaire qui ne cesse de défrayer la chronique depuis le 6 février, date du début des arrestations qui se sont poursuivies depuis à un rythme soutenu. Aujourd'hui, et outre les 18 mis en état d'arrestation pour trafic et consommation de cocaïne, 8 autres personnes ont été appréhendées pour «incitation à la débauche» ou encore pour «homosexualité». Et 11 autres personnes seraient également recherchées dans le cadre de cette affaire. Fruit de plusieurs mois d'investigations policières, cette opération anti-drogue a été initiée par le préfet de la ville en personne avec l'assistance du chef de la police judiciaire de Marrakech. Mais ce qui retient l'attention dans ce fait divers, c'est bien la qualité de nombreuses personnes écrouées dans cette affaire. Dans le collimateur de la justice, figure en effet plusieurs personnalités et fils de notabilités locales. L'un deux est le fils d'un propriétaire d'hôtel, deux autres d'un entrepreneur ainsi qu'un ex-député, ont été présentés au tribunal mercredi 11 février. Les autres dealers sont des agents de location, restaurateurs et gérants de boîtes de nuit. Selon des sources locales, certaines personnes interpellées figuraient même il y a trois ans pour le même motif, mais, ont été relâchées faute de preuve. La vague des arrestations allait reprendre après la présentation lundi dernier d'un groupe de 16 présumés fournisseurs de cocaïne devant le procureur du Roi. De nouvelles personnes recherchées dans le cadre du même réseau ont été arrêtées le soir même du lundi. Pour rappel, le tribunal a décidé lors de cette séance le report de l'examen des deux affaires qui concernaient les inculpés. Car les prévenus, dont la majorité a comparu en état d'arrestation, sont poursuivis pour deux chefs d'inculpation : création d'un réseau de trafic de drogues dures (cocaïne) d'une part. Et incitation à la consommation de drogues, à la débauche et à la consommation d'alcool de l'autre. Selon des sources judiciaires, le report a été décidé à la demande de la défense, et ceci, afin de lui permettre de disposer du temps nécessaire à la préparation de ses plaidoiries. Durant la première audience, la cour a mis également en délibéré une requête du ministère public, selon laquelle les deux affaires doivent être jointes au même dossier. Il faut dire que la prise a été particulièrement consistante cette fois ci: une centaine de grammes de cocaïne ainsi qu'un lot de 6 voitures utilisées par les dealers ont été saisies, lors de perquisitions menées dans les domiciles et commerces des accusés. La cocaïne se vendait à 900 Dh le gramme. Un prix bien au decà de la moyenne normale qui pouvait atteindre il y a quelques années jusqu'à 1500 DH le gramme. Ces saisies renseignent sur l'ampleur qu'ont prise la consommation et le trafic de drogues dures à Marrakech ces dernières années. Au point que certains connaisseurs n'hésitent pas à dire que la ville s'est transformée en une véritable plate-forme de trafic et de consommation de cocaïne. Comment a-t-on arriver là ? Pour certains observateurs locaux, les réseaux de Marrakech ne représentent en effet que l'aboutissement d'une chaîne qui commence bien au Nord du pays. Aujourd'hui, il est établi que la fin de l'ère des narcotrafiquants des années 90 a donné naissance à une nouvelle génération des trafiquants qui a radicalement changé le schéma économique de son trafic. Plusieurs analyses ont démontré que la cocaïne écoulée dans les villes marocaines constitue en fait la contrepartie du trafic du haschich exporté en Europe. C'est cette donnée qui explique aujourd'hui la super puissance rapide des réseaux du Nord qui font l'actualité depuis le mois d'août dernier avec le célèbre procès Erramach. Un observateur local explique également que le réseau de Marrakech ne serait donc qu'un maillon d'une chaîne qui opère dans d'autres villes du pays. L'essor qu'a pris la ville ocre ces dernières années, sa transformation en un point de chute privilégié aussi bien des touristes étrangers haut de gamme que des nationaux aisés expliquent en partie l'amplification du phénomène. Ce n'est pas la première fois en effet que la ville de Marrakech connaisse des affaires similaires, liées à la consommation des drogues dures. Sauf que seuls quelques consommateurs étaient cueillis, sans jamais remonter la filière du trafic. La nouveauté dans cette affaire est bien le fait qu'elle touche directement des trafiquants, mais surtout des notabilités locales qui animaient ce trafic et qui étaient considérées jusque-là comme des intouchables. S'agit-il aujourd'hui d'une volonté ferme de la part des autorités locales de mettre un terme à la cocaïne à Marrakech ? La suite du procès le dira.