La politique et les interventions musclées de Nicolas Sarkozy sont critiquées de toute part par les familles des victimes qui ont refusé sa visite. «Une chose a changé maintenant. Je demande aux policiers non plus de faire de l'ordre public mais d'interpeller. Il ne s'agit plus de faire de la police de proximité pour voir ce qui s'y passe, mais d'interpeller.» C'est par ces mots que le ministre français de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, invité dimanche soir du journal télévisé de 20 heures de TF1, avait résumé sa politique pour faire face aux violences ayant éclaté à Clichy-sous-Bois, une banlieue parisienne. «Ce que je veux, c'est être jugé sur les résultats. Je ne me laisserai pas impressionner ni par ceux qui parlent de ces quartiers sans jamais y mettre les pieds, ni par ceux qui veulent mettre ces quartiers en coupe réglée. Les trafiquants, eh bien, on va les éradiquer,» a-t-il ajouté. Hier, la plupart des quotidiens français ont consacré encore leur Une aux émeutes et aux répercussions politiques de cette affaire. «Sarkozy, retour de bâton», titre Libération. Le quotidien souligne que le ministre de l'Intérieur est critiqué de toute part, par les familles des victimes qui ont refusé sa visite hier, par un syndicat de policiers, par le Parti socialiste, bien sûr. Mais aussi dans les propres rangs du gouvernement. Le ministre de la Promotion de l'égalité des chances, Azouz Begag, interrogé par Libération, se dit «choqué par les termes de voyous et de racailles employés récemment par Nicolas Sarkozy. On ne rétablira pas l'ordre avec plus de CRS», affirme-t-il. «Je regrette de ne pas être associé au ministre de l'Intérieur quand il y a un dialogue difficile avec des jeunes. À chaque fois que mon collègue (Nicolas Sarkozy, ndlr) intervient en banlieue même quand il s'agit d'égalité des chances, je ne suis jamais contacté. Quand on nomme un préfet musulman, quand on dit vouloir donner le droit de vote aux étrangers et qu'on envoie des CRS contre les jeunes de banlieue, il y a un décalage,» souligne-t-il. Azouz Begag n'est pas le seul à estimer être choqué par les propos de Sarkozy. Les familles des victimes de Clichy-sous-Bois ont affiché leur colère face à cette sortie médiatique du ministre de l'Intérieur. Les parents des deux adolescents morts électrocutés dans un transformateur EDF, à Clichy-sous-Bois ont refusé de rencontrer le ministre de l'Intérieur. Au cours d'une conférence de presse à la mosquée de Clichy-sous-Bois, Siyakah Traore, frère du jeune Bouna décédé, a déclaré qu'en aucun cas, ils n'iront voir Sarkozy. Chose dite, chose faite. «Pour nous, c'est un incompétent, comme l'ont montré son discours à la télé et la manière dont est menée l'enquête. Nous demandons le calme, nous demandons que justice soit faite, nous demandons que les CRS partent et nous demandons à être reçus par de Villepin.» La ville de Clichy-sous-Bois a connu des émeutes depuis le décès jeudi de deux adolescents de 17 et 15 ans, Ziad et Banou, électrocutés dans un transformateur EDF, où un troisième adolescent a également été blessé. La rumeur s'était répandue que les deux victimes s'étaient réfugiées là pendant une course-poursuite avec la police, ce qu'ont démenti toutes les autorités. En tout, 22 jeunes étaient en garde à vue dimanche dans les locaux de la Sûreté départementale chargée de l'enquête.