Le représentant de la Banque mondiale au Maroc, Farid Belhaj, a livré un diagnostic du secteur privé marocain. C'était jeudi dernier, lors d'un ftour-débat. «Je n'ai pas parlé du secteur privé marocain en terme d'émancipation ou non. Il ne s'agit pas d'un jugement de valeur !». Le représentant de la Banque mondiale au Maroc, Farid Belhaj, est largement revenu avec nous sur ses déclarations faites jeudi dernier, dans le cadre d'un ftour débat consacré au plan Country Assistance Strategy 2005-209. «J'ai simplement dit que la croissance doit être tirée par le secteur privé. Or aujourd'hui, force est de constater que la croissance n'est pas au rendez-vous. Le secteur privé ne bénéficie pas de l'environnement propice qui lui permet de se développer. Il n'y a pas de jugement de valeur». Partant, le représentant de la BM met en exergue certains problèmes comme le foncier, les lourdeurs administratives qui rendent difficile l'acte d'entreprendre». Toutes ces différentes contraintes sont d'ailleurs consignées dans un rapport relatif sur le climat de l'investissement au Maroc et qui va sortir dans quelques semaines. Pour réaliser ce document, les représentants de la Banque mondiale ont dû questionner un très grand nombre de chefs d'entreprises. En gros, souligne, M. Belhaj, «nous nous sommes aperçu qu'il est plus facile de créer une entreprise dans des pays concurrents comme la Turquie et la Tunisie qu'au Maroc». Quant au secteur privé marocain en lui-même, il vit aujourd'hui, dixit M. Belhaj une phase de transition entre l'ère de la protection et l' ère de la suppression des barrières. «Il est clair qu'une économie qui vivait dans le cocon va souffrir de cette ouverture sachant que l'essence même de la mondialisation c'est la compétitivité. Il faut être compétitif pour survivre». Prenant l'exemple du textile, le représentant de la BM rappelle que seuls les acteurs qui ont anticipé, qui ont diversifié et qui ont procédé à un ciblage ont pu survivre. En définitive, on est passé du stade réactif au stade anticipatif. C'est la logique de survie de l'entreprise. L'entrepreneur qui désire investir ne doit pas aussi attendre que l'Etat lui dise investir dans telle région et dans tel secteur. Il fait ses choix, le marché lui donne tort ou raison». Pour M. Belhaj, le Maroc pourrait s'offrir un secteur privé plus dynamique si l'environnement devenait plus propice. N'empêche, même rectifiés, les constats du représentant de la Banque mondiale au Maroc signent le premier grand débat économique de la rentrée. Sur le fond, est-ce que le secteur privé marocain est timoré ? Pour répondre à cette question, Mohamed Laboudi du Centre marocain de conjoncture (CMC) pense qu'il faut d'abord avoir une base statistique fiable. Or, en1995, on a mis fin aux investissements agréés. L'acte d'investissement, banalisé, relève depuis de la charte d'investissement. Il est difficile avec le système actuel de déterminer l'effort réel de l'investissement du secteur privé pour déterminer sa participation à la croissance du pays. Quant au besoin d'une croissance forte, c'est une analyse partagée par plusieurs institutions dont le CMC : «mais pour parvenir à une croissance régulière de 6%, il faut un effort d'investissement conséquent, de l'ordre de 30% du PIB». Or aujourd'hui, poursuit M. Laboudi, le Maroc est à un taux d'investissement d'environ 24%. Qui doit fournir les 6 points manquants ? Ces trois dernières années, l'effort d'investissement public (infrastructures, gros chantiers comme Tanger Med) a considérablement augmenté malgré la conjoncture. Qu'en est-il des investissements étrangers ? M. Laboudi fait un distingo entre les investissements de portefeuille (qui profitent au marché des devises) et le vrai investissement direct étranger, créateur de richesses. Ce dernier apport est irrégulier, note le conjoncturiste. Les IDE ont fortement augmenté mais par à coup, lors de grandes opérations exceptionnelles comme les privatisations. «Ces investissements doivent être consolidés par des instruments destinés à la PME-PMI, la dominante de l'économie marocaine. Reste une dernière condition : la PME-Pmi doit présenter toutes les garanties nécessaires. Les constats de la Banque mondiale ne sont pas totalement contestés par les privés. Pour Abdelmalek Kettani, vice-président de la Fédération des PME-PMI, «il est peut-être vrai que le secteur privé ne joue pas son rôle. Mais, il y a par rapport à cela, tout un environnement global à prendre en compte. En particulier, un marché nationale exigu, handicapé par le retard pris dans l'édification de l'Union du Maghreb Arabe, un environnement juridique à revoir (cas du recouvrement, devenu un véritable problème), une pression fiscale élevée (le taux maximal de l'IGR appliqué à partir de 44%», et aussi la contrebande et l'informel.