Le religieusement correct pour Raïssouni c'est qu'il soit entendu et suivi. Après plusieurs mois d'éclipse et de discrétion, se contentant de jouer les fkihs sur le journal Attajdid, Ahmed Raïssouni monte de nouveau au créneau. Il est revenu précisément à la charge sur les colonnes d'Al Ayam sur un sujet qui lui tient apparemment à cœur jusqu'à l'obsession : l'institution de la commanderie des croyants. Rien de nouveau sur ce que l'on ne sait déjà de son point de vue concernant cette question centrale. En fait, le secrétaire général du Mouvement Unicité et Réforme (MUR) dont il était président avant d'en être écarté pour avoir fait une lecture jugée blasphématoire de cette institution dans un entretien à ALM n'appelle pas à une cogestion du champ religieux par un conseil des Ouléma. Il revendique plus que cela, que ce dernier dispose de larges attributions pour une gestion exclusive de ce champ en termes de fatwas et de consultations conformément au courant de "Ahl Al Hal Wal Akd". Dans cette configuration, le commandeur des croyants devient simplement titulaire d'un poste politique dépourvu des prérogatives religieuses, c'est-à-dire de son sens et essence. Le religieusement correct pour Raïssouni c'est qu'il soit entendu et suivi. Mais le dirigeant du MUR se trompe pour le moins de débat, ce qui ressemble à des élucubrations d'un illuminé n'a aucune chance d'aboutir. S.M le Roi venant de nommer vendredi dernier une commission chargée de l'Iftâ (consultation canonique). Le message est clair et net. Raïssouni renvoyé à ses chères études. Ce dernier, qui s'est livré à un long plaidoyer sur ce dossier, a peut-être estimé que le temps est venu pour passer à la vitesse supérieure. En tout cas, sa sortie médiatique en dit long sur sa volonté et celle de son mouvement de faire main basse sur le fait religieux au Maroc et de le régenter selon une vision qui ne peut être que sujette à caution. Gardien du temps idéologique des islamistes légalisés, Ahmed Raïssouni porte une double casquette, celle de dirigeant du MUR et de membre influent du PJD. Comme d'habitude, ce parti n'a pas d'avis sur la question. Comme d'habitude, Saâd Eddine Al Othmani répondra s'il est interrogé que les déclarations de Raïssouni loin de refléter la position officielle du PJD n'engagent que son auteur. M. Raïssouni ne le dit pas, mais il est clair qu'il se voit en futur chef de tout ce qui touche à la pratique religieuse dans ce pays. C'est sa façon à lui de se positionner au cas où ses amis du PJD arriveraient au pouvoir : c'est son conseil des Oulémas qui serait la source unique de ce qu'il faut faire ou pas faire, qui décréterait ce qui est conforme à la religion ou pas conforme. La liste noire des interdits ne manquera pas alors de tomber. Au revoir la tolérance. On imagine les conséquences d'un tel scénario sur la société. À moins qu'il ne s'agisse finalement que d'une stratégie de surenchère pour que M. Raïssouni négocie le cas échéant une place dans un éventuel gouvernement aux couleurs islamistes. On le sait, en effet, obsédé par le poste des Habous et des Affaires islamiques occupé actuellement par Ahmed Taoufik.