Faudra-t-il, un jour peut-être, que la laïcité française dise un grand merci à l'Islam de l'avoir sortie de sa léthargie. En France, où la pratique du jeûne s'est introduite comme par effraction, immigration oblige, le débat sur la laïcité bat son plein. Sur tout le territoire, et pas nécessairement dans la presse, des conférences, des colloques, des forums, des tables rondes sont organisés par les associations, les partis, les mairies… . Et pour cause, en cette année 2005, la France célèbre le centenaire de la loi de la séparation de l'Etat et de l'église. Alors, en parler aux Marocains alors que le Ramadan est à son zénith, serait-il de mauvais goût ? Cent ans. Un siècle. Née après un débat qui avait l'allure d'une guerre civile, la loi dite 1905 est peu à peu rentrée dans les mœurs et a fini par pacifier ses rapports avec les religions séculaires de la France. Cent ans, c'est vieux. On aurait pu imaginer cette loi un peu impotente, vieillotte, rangée dans les greniers, délaissée au milieu des brocantes et des breloques. On aurait pu le comprendre tant son besoin de retraite était grand. Elle a été tellement combattue. En son nom, il y a eu tellement de combats au point qu'elle se confondra, des fois, avec l'intolérance. Il est vrai que certains laïcistes sont aussi intégristes que le plus obtus des bigots. Et pourtant, il n'en est rien. Cette valeur est plus vivace que jamais. Depuis bientôt seize ans, date de la première affaire du foulard en 1989, elle est devenue, face à la vitesse de l'évolution de la société française, comme une espèce de ceinture de sécurité de la République et de certaines de ses institutions, l'école en particulier. Un airbag dans le choc des cultures. Un liant vital pour le vivre ensemble dans une société où l'Islam fera une irruption fulgurante durant la dernière décennie. Il n'y a pas que cela. Mise à rude épreuve par l'Islam des banlieues, et donc par le bas, la laïcité française ne l'est pas moins par le haut : Avec une Europe qui veut afficher son identité chrétienne et une mondialisation qui transcende les frontières, les mœurs et les croyances. Face à cette évolution, face à la revendication de la visibilité de l'Islam, face à ce qui sera vécu comme une menace, la laïcité a recouvré son armure et retrouvé ses couleurs, le bleu, le blanc et le rouge. Jamais depuis 16 ans, elle n'a été aussi affichée, brandie, agitée. Faudra-t-il, un jour peut-être, que la laïcité française dise un grand merci à l'Islam de l'avoir sortie de sa léthargie. Islam a déjà côtoyé la laïcité, en Turquie en particulier. Là, elle lui fut infligée par autoritarisme dans une société à dominante musulmane. Mais avec la France, mis à part la période coloniale, c'est la première fois que l'Islam se trouve en situation minoritaire, confronté non seulement à la laïcité mais aussi à la démocratie. Si on ajoute à cela la modernité avec ses diverses expressions, on prend la mesure des défis. Au moment où l'Islam vit une forme de repli sur lui-même, il faut espérer qu'à partir de son frottement, en Europe, avec la démocratie qui, dans le cas de la France, est accouplée à la laïcité sortira une innovation bénéfique.