Ce Ramadan aura été pour moi -en tant qu'homme de terrain- l'occasion de faire de très nombreuses constatations, de voir des choses inhabituelles, de retrouver des actions et des gestes coutumiers de ce mois sacré, de mesurer à quel point notre société change, évolue, mais aussi hélas de replonger dans des scènes désolantes de «bagarres», d'insultes, d'hypocrisie... Tout d'abord en tant qu'acteur humanitaire ayant activement participé à l'action initiée par des jeunes bénévoles du quotidien : «Abouab Ramadan», j'ai pu voir à quel point le Covid avait jeté dans la précarité nombre de nos compatriotes. Bien sûr il y a les «visibles», ceux qui demandent l'aumône aux feux rouges, sur les trottoirs -et qui d'ailleurs ne sont pas les plus nécessiteux- mais il y a surtout toutes ces familles qui ferment la porte de leur domicile à l'heure du ftour afin de ne pas montrer leur dénuement. Bien sûr chaque association active dans ce domaine a fait de son mieux mais je crois pouvoir dire que cette année il était plus difficile que d'habitude de récolter des dons en farine, huile, sucre, lentilles...ces denrées de base du Ramadan. Comme si la classe moyenne -la plus généreuse, la plus disponible pour donner- avait elle aussi beaucoup souffert de ces 2 ans de pandémie. Raison de plus donc pour les remercier du fond du cœur ! Autre trait dont j'aimerais vous parler avec bonheur : notre jeunesse. Je prendrai le cas d'un jeune que je connais très bien et dont l'exemple peut être multiplié à l'infini, pour illustrer les valeurs que nos ados font perdurer : d'ailleurs certains profiteurs, certains corrompus, certains «parvenus»ont bien des leçons à prendre de ces jeunes. Le jeune Karim Mazid, champion de surf Souiri et qui vit des quelques leçons qu'il donne lorsque les touristes sont là, vit un quotidien qui est tout sauf facile, pourtant en tant que président de l'association Mogamoujasurf il participait lui aussi à l'opération «Abouab Ramadan», et bien chaque soir il m'envoyait systématiquement les photo des paniers qu'il avait déposé devant la porte de familles démunies à Essaouira. Comment ne pas se sentir «petit» face à ce jeune de 20 ans, son honnêteté, sa rigueur…et être admiratif de tous ces jeunes qui ont eux-mêmes besoin des denrées alimentaires contenues dans ces paniers mais ne «succombent pas à la tentation» et font preuve d'une empathie et d'une honnêteté à toute épreuve... Quel exemple ! J'ai également été marqué par la participation active et accrue de nos compatriotes juifs dans les actions de bénévolat, évidemment ils en ont toujours été partie prenante, mais j'ai le sentiment que cette année ils étaient plus impliqués – donateurs mais aussi acteurs- dans ces actions. Comme si tout un échafaudage de faux tabous, de non-dits, de préjugés était tombé, un signe porteur d'avenir, enfin décomplexé. Je n'ai pas envie de m'étendre sur les innombrables querelles enregistrées en ce mois, sur les insultes qui ont fusé, sur l'hypocrisie de nombreux de nos concitoyens qui pensent que montrer ostensiblement qu'ils se rendent à la mosquée vaut «certificat» de vertu, si cela ne s'accompagne pas dans les gestes du quotidien.../... je préfère en retenir le positif : cette solidarité qui malgré les difficultés et la cherté de la vie a, une fois de plus, était au rendez-vous et même si -notamment dans les grandes villes- le mode de vie a beaucoup changé, nos valeurs résistent et se transmettent aux nouvelles générations. Bien sûr lorsque nous nous regardons, parfois d'ailleurs un peu égoïstement, nous sommes tentés de critiquer ou de nous plaindre, il n'empêche que si nous regardons autour de nous, alors nous sommes amenés à relativiser et nous dire que notre Pays -si chacun de nous y met du sien- est un îlot d'espoir dans un océan d'inquiétudes et d'incertitudes...