Notre monde perd toute notion de fraternité : 27 migrants dont 5 femmes et une petite fille ont trouvé la mort dans la Manche la semaine dernière, alors qu'ils tentaient de traverser pour aller en Angleterre...partout la haine, la violence, le rejet, prennent le pas sur la fraternité. Face à la pandémie là aussi la fraternité fait défaut, combien de pays, notamment d'Afrique, sont dépourvus de vaccins quand dans d'autres pays, certains les refusent. Le populisme devient la règle, le racisme devient une opinion -alors qu'il est un délit… Certaines chaînes dites d'infos en France se transforment en chaînes de diffusion d'un discours extrémiste, un Zemmour devient l'alpha et l'oméga de la politique. Beaucoup détournent le regard, d'autres Dieu merci poursuivent le combat pour que la fraternité soit l'issue à cette profonde crise des valeurs que traverse l'humanité -même s'ils sont moqués, dénigrés ou insultés. Alors que nombre de pays européens voient les valeurs qui les ont fondés s'écrouler les unes après les autres, des Nations telles que la nôtre résistent, notamment bien sûr grâce à leur patrimoine civilisationnel mais grâce également au travail inlassable de militants associatifs, culturels, du vivre-ensemble et du terrain qui mettent leurs pas dans ceux de leur Souverain. Deux événements très récents viennent conforter notre ancrage dans la diversité, l'empathie et le vivreensemble : Il y a quelques jours Rav Avraham Elhaddad, directeur de l'école Ozar HaTorah de la ville de Sarcelles, est décédé à Tanger, des suites d'une mauvaise chute. SM le Roi Mohammed VI a alors affrété son avion personnel pour transporter le corps du défunt vers sa dernière demeure en Israël. Rav Elhaddad a ainsi été enterré au cimetière de la Yéchiva de Poniovicz, à Bné Brak. Dans le même temps, le Père Schumacher – dernier survivant des moines de Tibhirine assassinés en Algérie – décédait le dimanche 21 novembre, au monastère Notre Dame de l'Atlas à Midelt, à l'âge de 97 ans. Il avait fait sienne cette terre du Maroc et avait été salué par le Pape François lors de sa visite dans le Royaume à l'invitation de SM Mohammed VI. Il avait déclaré dans une interview à Vexilla Galliae, en 2016 : «C'est au nom de ceux qui m'entourent que je prie, que j'adore. Devenu en quelque sorte Marocain par mon incorporation à ce peuple auquel je vis très mêlé, et par ailleurs devenu membre du Christ par ma foi, j'ai l'impression qu'en moi, le Christ s'est fait marocain, qu'en moi il aime à prier lui-même pour ses frères marocains». Hamdoulillah, le peuple marocain garde précieusement en lui ses valeurs et la population de Midelt était présente en nombre à ses obsèques, de nombreuses photos montrant les habitants mêlés aux religieux autour de la tombe du Père ont fait le tour du monde. Sur le terrain, des acteurs associatifs et culturels -et notamment la jeunesse- s'efforcent quant à eux de faire vivre la fraternité concrètement. C'est ainsi qu'à l'occasion de Hanoucca (Fête des Lumières), les associations Marocains Pluriels, Club Salam Lekoulam, Marock'Jeunes, Hip-hop Family, Mogajeunes, MogaMoujaSurf et Agad'Jeunesse ont lancé l'initiative «Allumons ensemble les Lumières». Ils expliquent : «À compter du 28 novembre nos compatriotes juifs célébreront Hanouka – la Fête des Lumières. Chaque soir durant 8 jours ils allumeront une bougie, sur le hanoukkia, symbolisant le miracle de la fiole d'huile permettant de faire brûler pendant 8 jours une quantité d'huile pourtant à peine suffisante pour une seule journée. En ces temps de pandémie, de rejet de l'Autre, où plus que jamais la fraternité est indispensable pour faire face ensemble, nous nous proposons en tant que Marocains musulmans de participer à l'allumage d'une de ces bougies avec nos compatriotes juifs... Ce geste revêtira une forte symbolique et montrera -bien au-delà de nos frontières- à quel point le Maroc est -et demeure- un phare en matière de vivre-ensemble. Cette action sera lancée à Casablanca et d'ores et déjà Essaouira, Rabat, Marrakech et Agadir ont répondu présent et organiseront elles aussi cette activité où nous allumerons ensemble la 4ème bougie et partagerons les beignets traditionnels de Hanouka. Nous proposons à toutes celles et tous ceux qui souhaitent reproduire ce geste dans leur ville -au Maroc mais aussi en France, en Belgique et ailleurs, de le faire le même jour. Pour que brille la Lumière... (Nous mènerons une initiative similaire avec nos amis chrétiens vivant sur notre sol, à l'occasion de Noël)». La fraternité ne peut être qu'un concept dont l'on prononce le nom, elle a besoin de se vivre, de se manifester, d'être vécue concrètement, et pour paraphraser une citation, l'on pourrait dire : «il n'y a pas de fraternité, il n'y a que des preuves de fraternité».