Inscrite sur la liste du patrimoine universel de l'Humanité, la casbah séculaire des Aït Ben Haddou n'est toujours pas restaurée. Reportage. L'accès de la casbah des Aït Ben Haddou n'était pas de tout de repos. La Land-Rover, qui devait nous emmener ce samedi 24 septembre vers ce site, a dû «voler» à une altitude très élevée pour y arriver. Pour joindre cette casbah à partir d'Ouarzazate, les passagers ont dû franchir 30 kilomètres à travers les monts escarpés du Grand-Atlas. L'état de la route n'était pas non plus pour rassurer le commun des «cascadeurs» que nous étions. «Un fil de rasoir !», commente un confrère. «Un chemin de croix», renchérit un touriste. «Quoi que l'on dise, cela vaut la peine de prendre le risque», exhorte un autre. Et ce ne sont pas ces dizaines d'étrangers qui se bousculaient à la porte de la casbah des Aït Ben Haddou qui contrediront ce dernier. Espagnols, Finlandais, Chinois, Anglais et autres Français, que l'on a trouvés ce samedi sur place, étaient curieux de découvrir ce site. Inscrit sur la liste du patrimoine universel de l'Humanité, ce site représente également un plateau naturel de tournage très beau. «Récemment, indique un villageois, les Syriens ont tourné sur ce site leur série historique Les Almoravides et l'Andalousie». «Le site porte également les traces de passage de James Bond», ajoute un co-villageois. Dans la ville des mille et une casbahs, -Ouarzazate-, celle des Aït Ben Haddou devrait donc être la mieux lotie. Or, ni les atouts incomparables que cette casbah possède, ni son inscription sur la liste du patrimoine universel de l'Humanité, et moins encore la réputation de haut lieu cinématographique qu'elle s'est forgée à l'échelle mondiale, ne lui ont profité. A preuve, l'état de délabrement très avancé dans lequel on a trouvé cette casbah. Construite à l'époque de Youssef Ibn Tachfine, cette casbah est aujourd'hui menacée de ne plus être qu'un amas de ruines ! Pour colmater les fissures se déclarant sur les façades de ses remparts, on n'a pas trouvé mieux que de les remplir de ciment ! «Irresponsable», s'indigne un visiteur. «Plutôt inconscient», rectifie son compagnon. Confiée à un vieux gardien, -qui y aurait trouvé un squatt idoine pour sa petite famille, ce dernier se serait découvert une vocation «d'expert en restauration»! Il aurait peut-être cru mieux faire de boucher les trous saillants avec un matériau qui n'est pas de la même nature que celui avec lequel des édifices historiques sont initialement construits (pisé, chaux, paille, etc). Faute d'être payé, le gardien se serait vu obligé de brader quelques rares objets historiques aux touristes. Des pièces, partie intégrante et indivisible de notre patrimoine national, sont inconsciemment détournées vers l'étranger. « On voudrait bien savoir à quoi servirait la Direction du patrimoine relevant du ministère de la Culture », s'interroge un observateur, révolté. Un autre serait encore plus catégorique : « Où vont les fonds octroyés par l'Unesco pour la restauration de nos sites inscrits sur la liste du patrimoine universel de l'Humanité ? ». Du côté des responsables, motus et bouche cousue ! Une attitude qui n'arrange que les spéculateurs sur les ruines de notre mémoire. Profitant du silence officiellement complice, ils continuent de marchander des objets qui n'ont pas de prix. Le délabrement de la casbah des Aït Ben Haddou n'est qu'une goutte dans un océan de négligences.