Le véritable événement, qui a entouré la remise du chèque d'Altadis, se passait à Bank Al Maghrib. Le 16 juillet, un compte a été crédité d'une somme de 14,08 milliards de dirhams. Du coup, les banques marocaines signent une première financière nationale. Le siège de la Primature a capté l'attention, mercredi. Le Premier ministre, Driss Jettou, y a présidé la cérémonie de remise du chèque du Groupe franco-espagnol "Altadis", concernant l'acquisition de 80 % du capital de la Régie des Tabacs pour 14,08 milliards de dirhams. Toutefois, le véritable événement se passait un peu plus loin. Au centre de Rabat, sur un compte logé à Bank Al Maghrib. En date de valeur du 16 juillet, ce compte a été crédité d'une somme de 14,08 milliards de dirhams, entièrement « débouclé » au profit de l'Etat Marocain, aussi bien pour la partie Dirhams (3 milliards de DH) que pour la partie devise (le reste du montant). S'il y a une information à retenir de cette transaction, elle peut se résumer en un mot : confiance. D'abord, de l'investisseur en un pays, mais aussi des établissements bancaires marocains en un investisseur non résident. « C'est une première financière au Maroc. L'idée de recourir à l'épargne marocaine est à saluer. Une composition intelligente entre financement local et étranger du montant à débourser est avantageuse, pour les deux parties, sur plusieurs plans », se réjouit Karim Tajmouati, Directeur délégué à la BCM (chef de file du financement bancaire) chargé des Grandes Entreprises et Institutionnelles. En effet, la ventilation des 3 milliards de DH levés localement place la BCM en tête avec 900 millions de DH, suivie de la SGMB avec 600 Millions de DH. Suivent : la BMCI (400 MDH), le CDM et Wafabank respectivement (300 MDH) alors que la BMCE Bank et la BCP y contribuent à hauteur de 250 MDH chacune. Recourir à l'épargne marocaine, à hauteur de 3 Milliards de DH, permet assurément à Altadis de réduire considérablement le coup de l'opération. Les 11,08 Milliards de DH restant proviennent d'un financement international. Cependant, les spécialistes s'accordent à penser que le repreneur de la Régie des Tabacs n'hésitera pas, dès la première occasion, à racheter de la dette marocaine, afin de dégager des gains pouvant êtres situés entre 10 et 15 %. Altadis est bien éligible à ce mode de financement d'autant plus que la société est de droit espagnol. Dans ce sens, la législation espagnole reste un bon levier fiscal. Elle permet de mieux amortir le good will de la transaction. Autre aspect à retenir, le temps record pour dénouer cette transaction. « Arranger un montage financier aussi rapidement, mais surtout efficacement, marque un tournant dans la culture financière marocaine », explique Karim Tajmouati. Effectivement, les banquiers de la BCM confirment le bon dynamisme financier relevé par l'Observatoire de la Compétitivité Internationale de l'Economie Marocaine (OCIEM). Le Maroc a, en effet, réalisé de bons résultats au cours de l'année écoulée. Toutefois, à suivre de près les effets induits par la remise du chèque Altadis. Le marché interbancaire, à coup sûr, est le premier bénéficiaire. Suite aux forts décaissements des banques ayant pris part à cette transaction, la tendance sur ce marché ne peut qu'être, selon des analystes, que haussière. Par contre, la tendance serait plutôt inverse sur le marché primaire des bons du Trésor. Par contre, ce qui est certain, comme l'a rappelé Driss Jettou c'est qu'"À travers cette opération, la Régie des Tabacs, l'un des fleurons du portefeuille public, rejoint un groupe de renommée internationale qui apportera une vision industrielle et commerciale, nécessaire pour permettre à cette entreprise de franchir un nouveau palier dans son développement et sa croissance". Charge actuellement à Altadis de mettre les synergies nécessaires pour accompagner la Régie des Tabacs dans sa quête d'une compétitivité accrue, et pour la préparer aux défis de la libéralisation prévue par la loi sur les tabacs récemment promulguées. Il faut dire que le repreneur a tout le loisir de s'y consacrer, surtout qu'il vient de perdre l'autre opération qui lui tenait à cœur. L'opérateur Italien a été confié à BAT (British American Tobacco) pour 2,4 Milliards d'Euro. Reste à espérer que l'autre opérateur des tabacs sur le bassin méditerranéen, le Turque, cible aux convoitises les plus prononcées des leaders mondiaux, battant en retraite face à une législation plus répressive, atterrit dans le giron d'Altadis. Des synergies avec la Régie des Tabacs seront assurément trouvées. À suivre.