La droite et la gauche espagnoles se livrent, par presse interposée, à une polémique sur le rôle de l'immigration dans la croissance de l'économie espagnole depuis la fin des années quatre vingt-dix et ce, au lendemain de la publication de statistiques montrant que 8,7 % des affiliés à la sécurité sociale en Espagne sont des travailleurs étrangers. Le journal El Pais, proche du gouvernement, affirme mercredi qu'avec "un modèle basé sur la construction et le tourisme, qui absorbent beaucoup de main d'oeuvre, personne ne peut nier aujourd'hui le rôle déterminant de l'immigration (la plus élevée en Europe) dans la forte croissance espagnole durant la dernière décade". Statistiques à l'appui, le journal montre comment l'Espagne est passée, il y a à peine 7 ans (en 1998), d'un taux de natalité des plus bas au monde à des niveaux proches des autres partenaires de l'Union Européenne avec 1.590.187 étrangers affiliés à la sécurité sociale contre seulement 260.000 en 1998. "L'autre face du phénomène, c'est la nécessité d'adapter notre Etat de bien-être à cette augmentation de la population, en incluant les nécessités d'intégration de ces trois millions d'immigrés, dont plusieurs sont venus pour rester", écrit le journal dans un éditorial intitulé "Des immigrés cotisants". Le journal proche des Socialistes va plus loin en défendant le droit des immigrés de voter, au moins lors des élections locales espagnoles. "Un jour, il faut voir s'ils (les immigrés) ne devaient pas jouir du droit de voter, au moins dans les élections locales en Espagne, comme le font déjà les résidents provenant des pays de l'UE, et comme c'est le cas en Belgique et en Irlande: celui qui cotise, vote". L'éditorial du journal El Pais est en fait une réponse à un autre éditorial du journal El Mundo, proche de la droite espagnole, et qui a mis en doute mardi "la productivité de la main d'oeuvre immigrée" et son rôle dans la croissance de l'économie espagnole. L'augmentation du nombre des immigrés affiliés à la sécurité sociale "est préoccupante dans la mesure où elle reflète et anticipe une économie peu productive. L'Espagne nécessite l'immigration, mais pour maintenir le bon rythme de croissance des dernières années, il ne suffit pas de gonfler le taux d'emploi avec des travailleurs étrangers". "Peut-on dire que l'immigration constitue l'un des principaux moteurs de notre économie ? Oui mais avec des nuances. Sur 10 affiliés étrangers 8 proviennent de pays non communautaires. La majorité proviennent de l'Equateur, alors que le Maroc est le deuxième pays en nombre d'affiliés. Il s'agit, par conséquent, de main d'oeuvre peu qualifiée, qui ne fait que grossir la base de la pyramide salariale", soutient El Mundo. Cette polémique éclate au lendemain de la publication des dernières statistiques du ministère du travail et des affaires sociales et selon lesquelles le nombre des immigrés affiliés à la sécurité sociale a atteint à fin juillet dernier 1.590.187 personnes, dont 226.287 Marocains résidant en Espagne. Avec le processus de régularisation des immigrés qui a pris fin en mai dernier (du 7 février au 7 mai), le nombre de travailleurs étrangers affiliés à la Sécurité Sociale a augmenté en juillet dernier de 94.711 personnes, pour atteindre début août 1.590.187 immigrés affiliés, dont 295.090 ressortissants de pays de l'Union Européenne et 1.295.097 ressortissants de pays non communautaires. Par nationalités hors Union Européenne, les Equatoriens viennent en tête (253.197), suivis des Marocains (226.287), des Roumains (134.067), des Colombiens (129.341), des Péruviens (58.816), des Argentins (50.684), des Chinois (48.070), des Bulgares (37.782), des Boliviens (31.568) et des Ukrainiens (31.432). Pour les ressortissants des pays de l'UE, les Britanniques occupent la première position avec 52.882 affiliés, suivis des Italiens (48.463), des Portugais (40.163), des Allemands (35.633) et des Français (18.289).