La victoire, mercredi, du Bahreïni d'origine marocaine, Rachid Ramzi, dans l'épreuve du 1500m aux Mondiaux d'Helsinki, a suscité beaucoup de regrets dans les milieux de l'athlétisme national. Voici pourquoi. Le rêve d'Adil El Kaouch de maintenir le titre du 1500m dans le giron marocain a été brisé. Médaillé d'argent, il a échoué à sauvegarder une médaille, glanée à quatre reprises par Hicham El Guerrouj. Et même si Rachid Ramzi, celui qui a remporté cette épreuve aux Mondiaux d'Helsinki (3mn 37sec 88/100) est bel et bien Marocain, c'est le drapeau national bahreïni qui a flotté jeudi 11 août, le lendemain de l'épreuve, et c'est l'hymne national de ce pays qui a été entonné au stade olympique de la capitale finlandaise. Et pour cause, Ramzi est depuis 2002 un citoyen de ce petit Eat du Golfe. En remportant sa victoire du mercredi, il a non seulement effacé la grise mine qu'il a affichée lors des derniers J.O d'Athènes, où l'épreuve du 1500m est naturellement revenue à son maître incontesté, Hicham El Guerrouj, mais il aura également pris sa revanche d'un athlétisme marocain qui ne voulait pas de lui. Les circonstances ayant entouré son départ pour Bahreïn en disent long sur la considération portée par les responsables de l'athlétisme national aux jeunes athlètes marocains et expliquent à plus d'un égard le choix porté par plusieurs d'entre eux d'évoluer sous d'autres bannières. Le cas de Ramzi en est une parfaite illustration. L'athlète a entamé sa carrière chez l'Olympique de Safi en 1997, année durant laquelle il a remporté le championnat du Maroc du 800m et du 1500m. Une année plus tard, il est sélectionné par l'équipe nationale qui a participé au championnat du monde Juniors en France. Mais blessé, il n'a pu être du voyage. En 1999, il remporte la médaille d'argent au championnat d'Afrique de Tunis. La fin de cette année marquera le début des malheurs de Ramzi. Il a besoin d'une intervention chirurgicale que personne ne payera pour lui. A l'époque, l'intéressé ne touchait pas plus de 500 DH. Une sorte de prime mensuelle accordée par la Fédération royale marocaine d'athlétisme uniquement aux athlètes qui continuaient à s'entraîner avec la sélection. « En cas de blessure, ce salaire cessait d'exister », nous avait déclaré Ramzi dans un précédent entretien où il disaitt tout sur les raisons de son départ (voir ALM N°271 du 29-11-2002). Sans ressources, sans participations et sans personne pour se soucier de son sort, il passera par une véritable traversée du désert. Jusqu'à fin 2001 où il reprendra les entraînements. En juin 2002, Ramzi est contacté par des athlètes saoudiens qui l'ont informé que la fédération bahreïnie cherchait des athlètes maghrébins. « Sachant que j'étais intéressé, les Bahreïnis sont venus au Maroc pour nous voir », nous avait à l'époque expliqué Ramzi qui était loin d'être le seul avec qui des négociations ont été entamées. Avec lui, Abdelkabir Laïrabi, Abdelhak Lgourch et Rachid Khouya sont également pris. D'autres suivront, à l'image des marathoniens Mustapha Riad et Nadia Jafini qui constituent l'épine dorsale de la délégation bahreïnie présente à Helsinki. Pour l'encadrement technique, les services d'un autre Marocain sont également sollicités par la suite : Khalid Boulami, celui-là même qui avait repêché Ramzi au Maroc. Opéré du problème au ligament du genou gauche qu'il a continué à traîner et employé au ministère bahreïni de la Défense, Ramzi marque son retour, sous la nationalité bahreïnie, au meeting de Stockholm. Et d'une belle manière. Dominant les épreuves du demi-fond aux Jeux Asiatiques de Busan, il vole la vedette à Hicham El Guerrouj le temps du meeting de Rome en 2004, où ce dernier a été classé 8ème, avant de se voir consacré à Helsinki. Celui qui n'a jamais eu l'idée de quitter le Maroc pour un autre pays a brillé de mille feux. Devant les regards incommodés des responsables marocains de la pratique athlétique dont les déclarations cachent mal un malaise certain. Etalant toute l'étendue de son savoir, Hicham El Guerrouj a expliqué que si l'athlète américain Alan Webb ne s'était pas détaché du peloton, la victoire n'aurait pas été forcément remportée par Ramzi. « Cette épreuve restera une chasse gardée des athlètes marocains, puisque le vainqueur du titre mondial n'est autre qu'un Marocain, entraîné par un cadre marocain, quoique portant la nationalité bahreïnie », a pour sa part déclaré Abdelkader Kada, chargé de la coordination entre les entraîneurs. On se console vraiment comme on peut.