«Proposez ce qui est faisable, ne cesse-t-on de me répéter. C'est comme si l'on me disait : proposez de faire ce que l'on fait [...] Pères, mères, ce qui est faisable est ce que vous voulez faire». Jean-Jacques Rousseau, L'Emile ou De l'Education Une semaine assez mouvementée. La restriction cognitive et les efforts de solidarité responsable ne semblent plus de mise. On a purgé sa peine de bonne conduite en temps de Covid. Vaccin et vacances obligent, on se lâche. Circuler à Casablanca samedi soir dernier a relevé d'un défi surhumain. Voitures bondées, jeunes inconscients sur les toits de la voiture ou assis sur les rebords de fenêtre, embrassades aux feux rouges, klaxons à tout-va, cris, chants et vociférations, sans oublier l'absence complète du code de circulation. De vraies autotamponneuses. Mieux encore, des bandes de jeunes dans des voitures de luxe en arrêt sur l'autoroute, chantant et dansant sur le bord de la route. Inconscience ou absence de lignes rouges. Un lâcher-prise au-delà du préfrontal. Ou encore une vie en jeux virtuels. Tout est permis. Rien ne vous atteint. On est le roi du monde le temps d'un jeu. Mais de quoi parle-t-on vous me direz ? Je vous dirais un match de foot du Raja. Mieux encore, un match de foot joué hors des frontières mais virtuellement réel avec des supporters, ou pas, déchaînés dans les rues de Casablanca toute la nuit. La Covid n'a qu'à bien se tenir. Nos joueurs de foot super-héros et leurs supporters chevronnés sont bien armés. La toute-puissance du jeu. Pour agrémenter cette semaine de jeux footballistiques orgiaques, la journée du jeu vidéo et une sensibilisation, non dénuée d'étonnement, aux travers et aux risques encourus par les jeunes face aux écrans et jeux en ligne. Les mots addiction, drogue comportementale, violence, troubles du sommeil, trouble du comportement, impulsivité, troubles de la concentration, désinsertion scolaire, passage à l'acte, anxiété et dépression... suscitent la surprise et la stupéfaction de l'auditoire. Un auditoire souvent gaga devant sa progéniture 2.0 qui surfe sur YouTube à 3 ans et tisse des «liens» amicaux virtuels à travers la planète, sans bouger de sa chambre, volets fermés bien entendu pour mieux se concentrer sur le nombre d'ennemis à abattre. Les addictions aux écrans inquiètent. Les jeux vidéo sont dits incontournables par certains parents désabusés et impuissants face à leurs enfants et adolescents. L'événement déclencheur de cet engouement pour un problème pourtant souvent abordé par les psychiatres addictologues ou pédopsychiatres ou psychologues sans trouver de répondant relève d'un meurtre à Sefrou. Un jeune adolescent tue sa mère pour un jeu vidéo. Free Fire ! L'angoisse et l'horreur saisissent le Maroc. Comment est-ce possible ? Violence du jeu, facilité de l'acte meurtrier dans le virtuel, impulsivité et applicabilité dans le réel. On se rue sur ce jeu meurtrier accusé à tort. Ce jeu ou un autre Fortnite par exemple répondent à la demande de marché. Les meurtriers sont l'absence de cadre, de limites et la permissivité dans les foyers de ces jeux. Les meurtriers sont l'absence de sensibilisation, le non-respect de l'âge (18 ans) d'accès et le no limits. Cet enfant de 15 ans est également victime. Il est victime d'un système mondial de consommation sans vergogne et de la postmodernité parachutée à Sefrou. Quelques semaines avant, un drame à Kenitra. On fait un sondage à l'aveugle et Free Fire est condamné. Mais nous sommes tous concernés. La sensibilisation est du ressort de toute la société. Nous sommes tous impliqués. La recrudescence de la consommation des écrans inquiète ces dix dernières années. Elle fait l'objet de rencontres professionnelles et d'études. On passe des échelles, on passe des IRM fonctionnelles et on s'interroge. Le jeu vidéo chez l'enfant, prémices du jeu pathologique, ou en miroir de la cocaïne en neuro-imagerie. Et alors ? La baisse de sérotonine et l'augmentation de l'impulsivité et du risque de passage à l'acte. On étudie. On communique. Entre scientifiques et on a un jour par an ou quelques médias responsables (que je remercie) pour en parler. Mais nous sommes l'aval. Nous recevons depuis le confinement de plus en plus de jeunes, de plus en plus jeunes, qui présentent des addictions aux écrans, aux jeux vidéo, aux réseaux sociaux avec des répercussions bio-psychosociales délétères. Nous sommes tous responsables. L'absence de cadre et des limites. La permissivité parentale et scolaire. Le procès n'est pas au Free Fire mais notre procès à tous. La vie n'est pas virtuelle et la société n'est pas vécue en amitiés en ligne. Réveillez-vous ! Nous sommes responsables.