Des réformes ont tenté d'améliorer depuis près de trente ans la gestion des ordures. Le succès des actions entreprises jusqu'à présent est quelque peu mitigé. Des décharges contrôlées sont saturées et les décharges sauvages se multiplient. La menace de la dégradation de l'environnement et du climat force aujourd'hui tous les acteurs à innover en la matière. Comme partout à travers le monde, le volume des déchets explose au Maroc. Il serait estimé aujourd'hui à 12 millions de tonnes dont 7 millions de déchets ménagers. Ce qui représente l'équivalent d'un ratio de 0,78 kg/ habitant/ jour en milieu urbain contre 0,33 kg en milieu rural. Cette situation est liée à la croissance urbaine et démographique. Des efforts considérables ont été faits depuis plus de dix ans pour faire face à ces flux en évolution. Au niveau législatif, le Royaume s'est doté d'un ensemble de textes de loi et règlements. C'est dans ce cadre qu'a été adoptée en 2006 la loi 28-00. Ce texte de loi relativement récent pour répondre au schéma nouveau du système de ville unifiée, vise la réduction de l'impact nuisible des déchets, la préservation de la santé publique et de la vie sous toutes ses formes (animale, végétale…) ainsi que celle des écosystèmes environnementaux. Dès 2007, pour accompagner les communes à qui incombe la gestion des ordures ménagères, l'Etat a initié le programme national des déchets ménagers 2008-2023 qui apporte un appui financier de l'ordre de 40 milliards DH, dont 72% sont alloués à la collecte des déchets et 14,6% pour l'exécution et le contrôle des décharges. Cette stratégie a cependant montré ses limites. La gestion des déchets continue à consister en le ramassage des ordures pour les enterrer sans traitement quelconque, dans des sites périphériques des villes. Pourtant les produits organiques, qui représentent plus de 80% des déchets ménagers, peuvent être transformés en composts ou fertilisants. Mais faute de sites dédiés, ils ne sont pas recyclés. Parallèlement, le taux d'enfouissement dans des décharges contrôlées excède à peine les 53%. En outre, les décharges sauvages se multiplient. Elles sont estimées à plus de 300 à travers les régions du Royaume. Cette situation, qui démontre encore une fois l'incapacité des communes à gérer seules la tâche de la gestion des ordures en raison de moyens limités, est une menace certaine pour l'environnement. Et ce même si des collectivités ont réussi à transformer des décharges en espaces verts. Le plan d'action 2021-2024 en la matière du département ministériel de l'environnement réussira-t-il à endiguer les dysfonctionnements de la gestion des ordures ? Les ambitions sont, en tous les cas, fortes. Une enveloppe de près de 6 milliards DH est allouée à la généralisation des centres d'enfouissement et de valorisation ainsi qu'à la réhabilitation des décharges sauvages, au profit de tous les centre urbains. Il est aussi question de la concrétisation effective des plans directeurs de gestion des déchets ménagers et assimilés pour toutes les préfectures et provinces du Royaume. Ce chantier n'arrive pas à aboutir depuis 12 ans à cause des dissensions relatives au choix des sites de traitement et à la gouvernance de ces projets, souligne un expert. A noter que le budget alloué à la réalisation et à l'exploitation des décharges contrôlées est de près de 15% du Programme national des déchets ménagers (PNDM). Près de 7% de ce budget est dédié à la fermeture et la réhabilitation des décharges sauvages. Le développement durable de nos villes appelle aujourd'hui, face à la croissance démographique et urbaine, à l'accélération du démarrage des nouvelles décharges. Ce chantier nécessite aussi une bonne gouvernance. Il y a lieu aussi de forcer le développement de la filière de tri-recyclage-valorisation, comme l'ambitionnait le PNDM. Les objectifs dans ce cadre sont d'atteindre un taux de 20% du recyclage et la valorisation supplémentaire, sous différentes formes, pour au moins 30% des déchets générés à l'horizon 2022. A cette échéance le programme national vise à assurer la collecte et le nettoiement des déchets ménagers pour atteindre un taux de collecte professionnalisée à travers la gestion déléguée de 90%. L'heure est aussi à la promotion de l'économie circulaire. Dans ce schéma, les déchets deviennent porteurs d'opportunités, de ressources lucratives et d'emplois. Au Maroc, tout un écosystème s'est développé, mais abrite plus de 80% d'acteurs relevant de l'informel. Autant dire qu'à l'amont comme à l'aval, le secteur des déchets ménagers nécessite encore et encore plus d'actions, de mesures et de moyens. Mais encore faut-il que le citoyen s'approprie l'espace public et soit plus sensible à la protection de l'environnement et à la gestion des déchets ménagers étroitement liée à la propreté de nos cités.