Il n'y a pas encore si longtemps, le Maroc ne disposait d'aucune politique de gestion de ses déchets ménagers. Et aujourd'hui encore, même si sur le papier les choses ont profondément évolué, beaucoup de progrès reste à faire en la matière. Qu'il s'agisse du modèle de gestion déléguée ou de la régie directe, le principe de gestion des déchets est en effet loin d'être rodé au Maroc. Néanmoins, six ans après la promulgation de la loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination et cinq ans après le lancement du Programme national des déchets ménagers et assimilés (PNDM), le département de l'Environnement rassure. Alors que les déchets étaient auparavant évacués en masse vers des sites naturels - ils le sont encore - le coût de la dégradation de l'environnement s'élevait alors à 0,5% du PNB du royaume, soit à 1,7 MMDH. Aujourd'hui, le département de l'Environnement fait valoir ses statistiques. Si l'on se penche uniquement sur ces chiffres, les résultats du PNDM jusque-là sont effectivement positifs et montrent la voie. En 2012, le taux de collecte professionnalisée atteint ainsi désormais 76% contre 44% en 2008. À noter que le PNDM s'est fixé l'horizon 2030 pour atteindre les 100% de déchets collectés de façon professionnelle. Le taux de mise en décharge contrôlée s'élève quant à lui à 32% des déchets ménagers produits, contre 10% en 2008. Il existe actuellement 14 décharges contrôlées (Fès, Oujda, El Jadida, Rabat, Essaouira, Berkane, Figuig, Guelmim, Al Hoceima, Agadir, Nador, Dakhla, Mohammedia et Laâyoune). 5 autres décharges sont en cours de construction à Ifrane, Beni-Mellal (actuellement à l'arrêt), Khouribga, Safi (90% de réalisation) et Casablanca. Tous les centres urbains doivent s'équiper d'ici 2020 d'une décharge contrôlée. De la même façon, 21 décharges non contrôlées ont été réhabilitées et 64 sont en cours de réhabilitation. Il y a lieu de noter également que le PNDM a fixé la réhabilitation de 100% des décharges spontanées existantes d'ici 2020. Voilà pour les chiffres, néanmoins, dans la réalité, de nombreuses lacunes restent à combler. 40 MMDH Pour rappel, le PNDM s'appuie sur la loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination adoptée en 2006 et sur ses 9 décrets d'application adoptés jusque-là. Lancé en 2007, le PNDM a été élaboré par le département de l'Environnement avec le ministère de l'Intérieur. Nécessitant une enveloppe budgétaire globale de près de 40 MMDH, le PNDM bénéficie de l'accompagnement financier de la Banque mondiale. «Il s'agit d'une concertation publique sur laquelle la Banque mondiale compte beaucoup. Il est très rare pour nous de financer une problématique microéconomique. Aujourd'hui, il y a beaucoup de résultats positifs en ce qui concerne le PNDM, mais aussi beaucoup de faiblesses et de défis à relever», déclare ainsi Jaafar Fria, chargé du programme auprès de la Banque mondiale. Un «appui programmatique» de la Banque mondiale, à travers deux opérations de prêt de politique de développement (PPD1 et PPD2), a ainsi été accordé en faveur du PNDM. Une première opération de 100 millions d'euros a d'abord été validée en 2009 et une deuxième, de 100 millions d'euros, a ensuite été concrétisée en février 2011. De son côté, le ministère de l'Intérieur et le département de l'Environnement ont alloué 2,35 MMDH au programme entre 2008 et 2012, notamment au titre du soutien aux collectivités locales dans la mise en place d'une gestion professionnalisée des déchets ménagers. Il faut savoir qu'une grande partie du budget nécessaire au PNDM est allouée à la composante «collecte et nettoiement» (72% du budget). 14,6% du budget sont débloqués pour la réalisation et l'exploitation de décharges contrôlées et 6,3% sont dédiés à la réhabilitation des décharges spontanées existantes. 3,5% sont consacrés aux études et maîtrise d'ouvrage. Seulement 1,8% est attribué à la mise en place d'une filière «tri-recyclage-valorisation» et autant pour la communication et la sensibilisation. Ce sont justement ces deux axes qui sont privilégiés dans la mise en œuvre de la deuxième phase du PNDM. Miser sur une filière de recyclage Courant jusqu'en 2016-2017, la deuxième phase du PNDM, tout en maintenant en parallèle les principaux objectifs à atteindre (voir tableau), donne également la priorité à deux nouveaux axes. En premier lieu, le PNDM s'attaque enfin à la problématique de la mise en place d'une filière de valorisation des déchets ménagers. C'est ainsi qu'un projet pilote pour la filière emballage plastique est à l'étude (www.lesechos.ma). La direction des études de la planification et de la prospective du département de l'Environnement planche en effet actuellement sur l'élaboration d'un business plan sur 5 ans, pour justement organiser cette nouvelle filière. Cette étude préalable constitue l'étape opérationnelle qui s'ajoute à plusieurs études déjà menées sur la valorisation et le recyclage des déchets. L'objectif est d'atteindre un taux de 20% de déchets recyclés d'ici 2020. À ce titre, les professionnels sont prêts et déjà présents sur le territoire. De nombreuses entreprises exercent en effet déjà le métier de recycleur auprès des industriels, récoltant ainsi les métaux ou encore matières plastiques produits par les industriels. Ceci sans oublier les trieurs informels qui ont fait des décharges spontanées leur deuxième maison, collectant ainsi les matières que les industriels ou les professionnels des déchets récupèrent. 134 anciens trieurs informels de la décharge d'Akreuh, à Rabat se sont d'ailleurs organisés en coopérative, baptisée «Attawafouk», et ont été intégrés dans le nouveau centre de tri mis en service depuis juin 2011. «On commence toujours par voir la problématique des déchets du côté environnemental, mais très vite on se rend compte des dimensions économiques et sociales qu'elle revêt», déclare de façon très juste Jaafar Fria. Communiquer pour mieux éduquer De la même façon, le PNDM met enfin l'accent sur la nécessité, devenue urgente, de communiquer et de sensibiliser à grande échelle les citoyens Marocains sur la problématique des déchets ménagers. Plusieurs actions sont prévues. Divers supports d'information et de sensibilisation, à destination des citoyens comme des acteurs locaux et nationaux, seront ainsi distribués. Un concours de la ville la plus propre doit également voir le jour. Si le gagnant ne peut être connu pour l'heure, nul doute que Casablanca, maintes fois reléguée bonne dernière des classements du même genre, ne sera pas l'heureuse élue. Afin d'accompagner la mise en œuvre de cette deuxième phase, une deuxième vague d'appui programmatique de la part de Banque mondiale sera reconduite à travers deux nouvelles conventions de prêts de 100 millions d'euros chacune (PPD3 et PPD4).