Le propre de l'argent est d'être volatil. Libre d'aller là où il est à l'aise. Aucune barrière réglementaire aussi hermétique soit-elle ne peut bloquer sa migration. L'Office des Changes sert-il à quelque chose ? Cette question mérite d'être posée à la lumière des bouleversements intervenus dans l'ordre économique mondial. Disons-le tout de go, la vocation de cet établissement public, mondialisation et ouverture obligent, est de se transformer, à tout le moins, en outil de régulation du marché des changes. Mais pour cela, il faut d'abord réaliser la convertibilité du dirham figé au stade de projet depuis plus d'une décennie à cause des tergiversations des autorités de tutelle. En attendant, la mission principale de l'Office des Changes se limite actuellement à un contrôle a posteriori “des opérations déléguées aux banques pour en vérifier la régularité“. Une action que l'Office juge “incontournable“ dans la mesure où elle permet “d'éviter les transferts frauduleux de fonds à l'étranger“. En vertu de ce contrôle, les entreprises marocaines sont dans l'obligation de produire à l'Office des justificatifs de chacune de leurs missions à l'étranger. Une société qui envoie en stage un de ses cadres est astreinte au même exercice : le stagiaire doit penser à demander des bons à l'occasion de ses déplacements et de sa restauration pour des frais de voyage pris en plus en charge par son employeur ! Fastidieux. Anachronique. Le même constat vaut pour les particuliers qui ont droit depuis quelque temps à une dotation touristique annuelle de 15.000 Dhs, après avoir été de 100 Dhs il y a une trentaine d'années ! Or, tout le monde sait que cette somme est très insuffisante pour passer des vacances à l'extérieur. Évidemment, on dépense beaucoup plus. Résultat, c'est la fraude qui bat son plein quand bien même le visa de la banque apposé sur le passeport indique que le passager est en règle. En fait, le travail de vérification après coup de l'Office des Changes pèche par son insuffisance. En effet, qui contrôle ceux qui achètent à coups de millions lourds de belles demeures en Europe et en Amérique ? Qu'est-ce qui empêche l'Office des Changes, qui se veut le gardien des “équilibres extérieurs de l'économie marocaine“, de mener son action d'inspection pour savoir par quel canal l'argent a quitté le circuits national? N'est-ce pas frauduleux de construire des maisons sous d'autres cieux avec les moyens financiers du pays ? Où sont les sanctions prévues par la loi en vigueur ? Et puis, cet établissement est-il certain que toutes les recettes des activités à l'export sont rapatriées au Maroc et qu'une bonne partie des devises ne reste pas dehors ? Tout ceci pour dire que le propre de l'argent est d'être volatil. Libre d'aller là où il est à l'aise. Aucune barrière réglementaire aussi hermétique soit-elle ne peut bloquer sa migration. En fait, la circulation des fonds relève d'une donnée immatérielle qui s'appelle la confiance. Quand celle-ci est de mise, les capitaux affluent. Pour un pays qui a adopté le système libéral et qui court derrière les investisseurs étrangers, une structure administrative comme l'Office des Changes peut parfois s'avérer contre-productive.