En dépit d'une longue maladie, Abderrahmane Kirouche dit «Paco», ne baisse pas la voix. Invité au 8ème Festival gnaoua et musiques du monde, prévu du 23 au 26 juin 2005 à Essaouira, l'ex-pilier de Nass El Ghiwane se ressourcera dans sa ville natale. Les maâlems souiris décident de rendre hommage à l'un des leurs, «Paco », comme ils aiment à l'appeler. Ils ont choisi un rendez-vous de grande affluence pour le lui rendre: Festival gnaoua et musiques du Monde, qui en sera cet été à sa 8ème édition. Un moment de grande émotion qu'une vingtaine de maâlems veulent partager avec des fans, très nombreux, de celui qui, avec Boujemaâ Hagour (mort en 1975), Larbi Batma (disparu il y a maintenant plus de 2 ans), Allal Youala ou encore Omar Sayyed, a fait la grande histoire du groupe de Nass El Ghiwane. Né à Essaouira, le virtuose du «hajhouj», dit aussi «sentir», intègre très tôt ce que l'on appelle les «Beatles» ou encore les «Rolling Stone» du Maghreb. Nass El Ghiwan puisque c'est d'eux qu'il s'agit, ont fait appel à «Paco» en remplacement d'Abdelaziz Tahiri, qui devient alors parolier de Jil Jilala. Avec sa touche de sorcier du «guembri», sa présence d'esprit et son remarquable look bouffé par une chevelure exubérante, le grand «Paco» apportera sa pierre à l'édifice de la légende de Nass El Ghiwan. En maître de musique gnaouie, et en connaisseur de l'histoire et de la culture des gnaouis, ces anciens esclaves subsahariens, il marquera de ses profondes empreintes plusieurs best-off d'El-Ghiwane : «Ghir khoudouni», «Lebtana», «Mahmouma», «Essadma», «Ouach jra aalik» et autres immortelles chansons où les rythmes gnaouis sont fort présents. Avec le maâlem «Paco», et la griffe gnaouie qu'il a apportée, Nass El Ghiwane auront ajouté à leur patrimoine la touche qui manquait à leur tableau. Ayant revisité plusieurs modes de musique traditionnelle marocaine : Aïta «Echems Ettalaâ, Elhassada, Sif El Bettar, Ghadi Fhali), Melhoun (Allah ya Moulana, Han wa chfeq, Haoulouni, Mezzine Mdihek), Nass El Ghiwane se rattraperont, grâce à «Paco», sur un registre musical d'une toute autre saveur : rythmes gnaouis. Un puzzle représentant des couleurs musicales originaires de différentes régions du Maroc, et qui se traduit également par l'origine des membres mêmes qui composent Nass El Ghiwane : Larbi Batma (vient de la Chaouia, précisément d'Oulad Sâid, à Kariane J'did, Casablanca), Boujemaâ Hagour (vient de la région de Tata pour s'installer à Derb Moulay Chrif, Hay Mohammadi), Omar Syyad (de la région de Souss) et… Abderrahmane Kirouche qui, rappelons-le, est issu d'Essaouira. Le succès de Nass El Ghiwane tient de cette diversité remarquée au niveau aussi bien des modes musicaux locaux que de la composition du groupe elle-même, sans perdre de vue le contenu percutant des textes interprétés. Tahar Benjelloun, romancier, y voit une autre clef du succès de Nass El Ghiwane. «Nass El Ghiwane sont aimés parce qu'ils ont su capter et chanter la parole de la terre, celle du douar, celle des quartiers spontanés dans les banlieues des villes», dit le Prix Goncourt de littérature. En rendant hommage à Abderrahmane «Paco», le Festival gnaoua et musiques du monde rendent globalement hommage à Nass El Ghiwane. Un geste d'autant symbolique qu'il reconnaît, d'une manière ou d'une autre, le rôle de Nass El Ghiwane, ces gens aux cheveux au vent, dans la réhabilitation, entre autres modes lyriques, de la musique gnaouie. L'hommage, qui sera rendu à «Paco», a été initié par vingt maâlems qui participeront à la 8ème édition du Festival gnaoua et musiques du monde. Parmi ces maâlems, on peut citer Mahmoud Guinéa, Hamid El Kasri, Mustapha Bakbou (ex-pilier de Jil Jilala) et Abdeslam Alikane. Pour le reste, cette 8ème édition du Festival gnaoua d'Essaouira verra la participation de figures marquantes de la musique world : duo sénégalo-suédois Elika (violon) et Solo (kora), star des percussions indiennes Nantha Kumar, bassiste guadeloupéen Etienne Mbappé, batteur franco-congolais Roger Biwandu, flûtiste français Majik Malik, percussionniste arménien Arto Tunçboyaciyan, Fathi Salama, l'Egyptien qui est considéré comme l'inventeur de la « jeel », pop arabe, et pour clôturer ce Festival une grande soirée avec la super-étoile de Dakar, Youssou N'dour.