Que peut-on attendre des gens de culture dans le combat contre le terrorisme ? Pour nombre d'intellectuels, dont des Espagnols en visite aujourd'hui à Casablanca, il est temps d'ouvrir un front contre l'idéologie de la haine. Plan de bataille. Touchés par le même drame, 16 mai 2003 (Casablanca) et 11 mars 2004 (Madrid), Marocains et Espagnols sont convaincus de la nécessité de la culture dans le combat contre l'idéologie de la haine. La visite qu'effectue, aujourd'hui à Casablanca, une forte délégation d'intellectuels espagnols, traduit cette conviction. Chapeautée par Jose Monleon, président de l'Institut international de théâtre méditerranéen (IITM), cette délégation, constituée de différents acteurs de la vie culturelle espagnole, veut marquer, par le biais de l'art et de la culture, un geste de solidarité envers le Maroc, et souligner l'urgence pour les hommes de culture, de quelque côté qu'ils se trouvent de la Méditerranée, d'inscrire leur action dans la lutte contre le terrorisme. A rappeler que, le 11 mars 2005, alors que l'Espagne commémorait le premier anniversaire des attentats terroristes ayant secoué Madrid, une délégation marocaine constituée d'artistes a effectué une visite de solidarité en Espagne. Des dessins réalisés par des artistes-peintres marocains, inspirés des attentats terroristes du 16 mai 2003, ont été exposés au Musée de Ferrocarril de Madrid. La visite qu'effectue à présent la délégation espagnole se veut ainsi une réponse à l'initiative entreprise, le 11 mars dernier à Madrid, par une délégation marocaine, sous le signe «Le train de la vie». Tout comme les Marocains, des artistes-plasticiens espagnols proposent, actuellement à l'Institut Cervantes de Casablanca, une exposition intitulée «Sadaqa : construire l'amitié». Exposition qui, comme son titre l'indique, entend promouvoir l'amitié et le dialogue entre les deux pays voisins, et par ricochet contrer la théorie barbare du « choc des civilisations». Parallèlement à cette initiative espagnole, des étudiants marocains, encadrés par le graphiste et le photographe allemands Uwe Loesch et Michael Danner, exposeront, aujourd'hui sur la place Mohammed V à Casablanca, une série de toiles placées sous le thème « Art contre la violence». Initiée par l'école Art'com et le Centre culturel allemand «Goethe-Institut», cette exposition est dédiée à la paix et à la tolérance. Ces actions, bien entendu, devront en appeler d'autres. Il s'agit de les inscrire dans la durée, d'autant plus que les intégristes continuent de faire commerce avec leurs idées destructrices : rejet de l'autre, incitation à la haine religieuse, injures envers les femmes, procès en apostasie contre des personnalités du monde de la culture, campagne tous azimuts contre différentes expressions et manifestations culturelles : Festivals (espaces de débauche ?!), cinéastes marocains (traités de pornographes ?!), Instituts culturels étrangers (accusés de se faire l'écho d'une culture de perversité ?!), et autres anathèmes proférés par des fanatiques qui ne veulent « raisonner » qu'en termes de diktats. L'action des gens de culture s'impose d'autant plus qu'il s'agit de meubler le vide enregistré sur le terrain des idées, exploité par les extrémistes pour promouvoir leur idéologie obscurantiste.