La Cour d'appel d'Agadir a condamné un père de famille, lors des deux phases du procès, à 10 ans de réclusion criminelle pour inceste sur ses trois enfants mineurs. Et pourtant, il continue de clamer son innocence. «Au nom de SM le Roi, l'audience est ouverte», a lancé le président à voix basse ce qui a empêché la majorité de l'assistance d'entendre. Aussitôt, un silence de plomb s'est abattu sur l'assistance qui est venue tôt en ce mercredi 4 mai, à la Cour d'appel d'Agadir. Une assistance qui a rendu la salle d'audience archicomble au point que plusieurs membres des familles des mis en cause n'aient pas trouvé de place. Ils sont restés sur le seuil. Y'a-t-il un dossier très important qui a attiré toute cette foule de curieux ? Ou bien s'agit-il des familles des mis en cause ? Les policiers en tenue de fonction qui veillent sur l'ordre à la salle d'audience déployaient de gros efforts pour le bon déroulement de l'examen des dossiers programmés pour cette journée. Ils ont connu la même situation lors de l'audience du 27 avril. Quel est le point commun entre les deux audiences pour que la même foule y court ? Le point commun est un dossier dont les victimes sont trois frères, âgés respectivement de douze, dix et deux ans et demi le mis en cause est leur père, quadragénaire, sans profession, poursuivi pour inceste. Quand le mis en cause a été appelé par le président de la Cour, il s'est levé lentement du banc des accusés pour traîner ses pas vers le box. Il regardait droit devant lui, ne cherchant personne du regard, comme s'il était convaincu que personne ne le soutiendrait. Lorsque son épouse et ses trois enfants se sont avancés vers les magistrats après avoir été appelés par le président, il n'a pas osé les regarder. Il n'a même pas essayé de le faire. Pourquoi ? Ne lui ont-ils pas manqué durant tous ces mois passés derrière les murs de la prison? Est-il vraiment coupable? A-t-il vraiment abusé de ses trois enfants? «Non, non, je n'ai jamais abusé de mes enfants…Personne ne pourrait concevoir qu'un père soumette ses enfants à ses désirs bestiaux», affirme-t-il. Il avait déjà clamé son innocence, il y a quelques mois, devant les magistrats de la Chambre criminelle du premier degré. «Je suis innocent !», avait-il crié haut et fort. Il avait expliqué à la Cour qu'il n'aurait jamais pu oser commettre un acte pareil, contre-nature et criminel et imaginer abuser de sa progéniture. Ce n'est pas la première fois qu'il a rejeté en bloc les accusations qui lui ont été attribuées par sa femme et ses trois enfants. Il les a également rejetées devant la police judiciaire, devant le parquet général et devant le juge d'instruction. Un rejet qui a obligé la cour à s'intéresser aux détails de l'affaire et à recourir à tous les moyens nécessaires pour arriver à une décision convenable. Pour cet objectif, la cour avait consacré plusieurs mois et une dizaine d'audiences à ce dossier. Elle avait entendu les déclarations des victimes, qui avaient confirmé avoir été abusées par leur père, celles de la mère, qui avait précisé que son mari était un obsédé sexuel qui profitait de son absence pour abuser de ses trois enfants, ajoutant que ces derniers avaient fini par lui dévoiler le secret après avoir enduré le calvaire. La Cour avait également écouté un pédiatre qui avait attesté avoir remarqué des traces de violence et des rougeurs au niveau de l'anus du benjamin. De même, un psychiatre avait affirmé avoir soumis les enfants à de multiples séances et avait conclu que les enfants étaient victimes de violences sexuelles. Pour leur part, la majorité des voisins et amis avaient affirmé qu'il était un bon père, respectueux, qui jouissait d'une bonne réputation et qui évitait les problèmes. Qui a raison et qui a tort ? S'agit-il d'un coup monté par la mère, qui aurait voulu jeter le père en prison ? Et l'avis du pédiatre et celui du psychiatre? Peut-on imaginer que ces derniers soient de connivence avec l'épouse? Pourquoi ? En contrepartie de quoi? Et dans quel but ? Après de longues heures de délibération, la cour a fait valoir que toutes les présomptions étaient contre le mis en cause, s'est dite convaincue qu'il est coupable et l'a condamné à dix ans de réclusion criminelle. Et pourtant, l'homme a continué de clamer son innocence. «Je suis innocent !», disait-il aux détenus avec lesquels il partageait la même cellule en prison. Dit-il la vérité ? Une question qui est restée sans réponse. Presque le même scénario s'était déroulé lors de l'examen de son dossier durant la deuxième phase du procès. Les mêmes déclarations, les mêmes accusations, les mêmes témoignages, les mêmes affirmations et toujours la balance penchait vers la culpabilité. «Mon petit, il faut être conscient des conséquences de ton témoignage…Elles pèseront lourd sur la vie de ton père», avait dit le président de la Cour au fils aîné du mis en cause. «C'est mon père qui a abusé de nous», a confirmé l'enfant une seconde fois devant la Cour. Et le jugement est tombé une seconde fois : coupable d'inceste. Son jugement au niveau du premier degré, à savoir dix ans de réclusion criminelle et une amende de plus de 60 mille dirhams, a été confirmé.