Une vie politique plate. Une vie sociale réduite à une peau de chagrin. La marmaille qui piaille. Ce truc annuel de Caftan commence à bien faire. Cela fait 9 ans que ça dure. Ils préparent même, dès aujourd'hui, la dixième édition. Il ne faut pas pousser quand même. Un samedi où l'on s'ennuie à mort, même avec de nouveaux codes piratés, face à sa télé. Une vie politique plate. Une vie sociale réduite à une peau de chagrin. La marmaille qui piaille. Le livre en cours est interminable. Le dîner tarde à livrer ses saveurs qui n'étonnent plus. La route de Marrakech est loin et sinueuse. Le copain qui t'invite pour une bouffe est aussi convaincant qu'une enclume. La réponse est non. Sur ce, le téléphone re-sonne. Un type que tu as oublié de filtrer te demande : «comment ça va bien ?» Tu lui dis : «ça va bien mal». Tu abrèges, il s'accroche. Il veut savoir quelle chance a Abbas El Fassi de devenir Premier ministre. Tu lui dis : «au point où nous en sommes, autant que les autres qui n'ont aucune chance, sauf si cette dernière daigne leur sourire. Mais ça fait longtemps qu'elle ne sourit plus à personne». Il raccroche. Il doit raconter à ses copains un peu éméchés comme lui qu'il vient d'avoir une expertise de première main. Un athée politique est toujours dans le secret des dieux des mécréants. Les voies du Seigneur sont devenues très pénétrables, ces derniers temps. C'est peut-être à cause de la transition. Tu prends dix blaireaux. Tu leur donnes à boire sec ou à fumer du triple zéro. Tu les flattes un peu. Et ils te font une Assemblée constituante, clés en main. Le générique commence. Le regard est distrait et l'œil est torve. Il s'annonce Caftan 2005 sur la TVM. Un défilé de mode. L'intro est brève. La fille économe. Pour une fois, bien maquillée. La musique entraînante. Et ça commence. Du beau linge. De la belle étoffe. Des filles à couper le souffle. Et ça défile. Plutôt bien. Du rythme. La famille commence à trouver ton intérêt suspect. Tu en rajoutes pour tromper ton monde. Tu reluques sérieusement les nanas, mais tu baratines, même si tu ne connais que dalle sur le taffetas, la soie qui a l'air soyeuse, la toile jutée, la broderie fine, la souplesse du matelassé, l'harmonie des couleurs, l'ivresse du pastel, le mariage des tons, la créativité créatrice et puis le mot de trop sur une fille. Et là tu es démasqué. Tout le monde sait que tu prends du plaisir en flagrant délit. Et, en plus, tu n'as même pas honte. Mot de conclusion. La fille est toujours bien maquillée, même si son regard est plus brillant. On n'imagine pas ce qui peut se passer dans les coulisses. Et c'est fini. Bien torché, bien tourné, pas de voix off inutile. Et t'es content. Tu viens de sauver ta soirée. Même si tu te dis qu'il faut, finalement, chez nous, 9 ans pour qu'un événement vienne à maturité et qu'il rencontre, enfin, ses vraies partenaires. Mais ce n'est pas grave. Il faut ce qu'il faut. Reste un secret. Pourquoi ont-ils affublé la fille qui avait un caftan fendu verticalement sur le devant -une belle promesse - d'un mini «saroual» en soie, justaucorps, avec des broderies divinement frivoles aux extrémités ? Pourquoi ont-ils fait cela ? Je n'en sais rien. Je garde de cela comme une légère déception teintée d'une pointe d'amertume.