En l'absence attestée dans l'absolu d'une catégorie qui se nommerait «exagération objective», au mieux cet énoncé est un pléonasme, au pire c'est une litote. Il semblerait que l'on se soit rendu coupable, dans notre édition n°521 du 24 novembre titrée «Abbas El Fassi se démarque de Jettou», d'une exagération non objective à l'encontre de propos tenus par le patron de l'Istiqlal. Notre confrère “L'opinion”, dans son édition du 27 novembre, nous le fait savoir à la Une par le truchement d'une précision du siège central du Parti de l'Istiqlal. On y lit : «Le quotidien «Al Ahdat Al Maghribia» a publié, le 20 novembre 2003, en première page, certaines déclarations du secrétaire général du Parti de l'Istiqlal, déclarations qualifiées par le journal de confidences amicales.» Il est ajouté : «En réalité, M. Abbas El Fassi tient toujours, comme à son habitude, à ce que ses relations avec tous les journalistes soient basées sur le respect et l'amitié. Lorsqu'il veut transmettre une idée ou une position de son Parti, il fait savoir au journaliste que telles ou telles déclarations sont publiables. Par contre, concernant la conversation amicale qui a eu lieu dans les coulisses de la Chambre des représentants de façon spontanée et par pure coïncidence, il n'était nullement dans l'intention du secrétaire général de demander au journaliste d'en publier le contenu.» Et en conclusion, et ceci nous concerne, il est dit dans la précision: «Quant aux larges commentaires publiés par le quotidien «Aujourd'hui le Maroc» le 24 novembre dernier, ils ont constitué une exagération non objective. À ce propos, le Parti de l'Istiqlal réitère la position exprimée lors de son 14ème congrès national, ainsi que celle exprimée lors de la dernière session du Conseil national tenue en mai 2003, soit le soutien fort au gouvernement de M. Driss Jettou et l'action soutenue pour le succès de son programme gouvernemental entériné, par ailleurs, par le 14ème congrès national du Parti de l'Istiqlal.» Nous prenons donc acte de ces précisons et comme nous avons le temps pour nous, nous observerons, à l'avenir, avec une plus grande attention, l'évolution de l'Istiqlal sur la question gouvernementale. Au passage, comme d'habitude, énumérons quelques commentaires riches d'enseignements. 1 – Depuis les dernières élections législatives, Abbas El Fassi est, en théorie, un Premier ministre potentiel. Et il se comporte naturellement comme tel. Rien de plus légitime à cela d'autant plus que son parti dispute la place de premier parti politique marocain à l'USFP. 2 – S'il est considéré, à la suite de municipales assez spectaculaires, qu'un remaniement du gouvernement est possible, voire souhaitable, il est normal que Abbas El Fassi commence à faire entendre sa musique distinctive qui peut habilement aller crescendo de l'éloge de la différence au soutien critique. 3 – Pour livrer sa partition, il est évident, pour le moment, que Abbas El Fassi ne va pas immédiatement adopter une posture de rupture. Il choisira, comme il l'a fait, de «façon spontanée et par pure coïncidence», de faire à quelques confrères, dans le cadre de «conversations amicales», des «déclarations non publiables» basées sur le «respect et l'amitié». Et pour marquer l'importance de ces dires, Si Abbas ne va nullement «demander aux journalistes d'en publier le contenu.» La technique est connue. Et même les précisions du siège, ce dernier étant érigé pour la circonstance en instance politique et démocratique du parti, relèvent, par conséquent, du même procédé. En quelque sorte, le dernier étage de la fusée. 4 – Quant à notre «exagération non objective», elle pose, par la figure de style choisie, un problème formellement rhétorique plus que fondamentalement politique. En l'absence attestée dans l'absolu d'une catégorie qui se nommerait «exagération objective», au mieux cet énoncé est un pléonasme, au pire c'est une litote. Dans les deux cas, cette formulation, volontaire nous semble-t-il, est l'expression d'une gêne surtout due à l'amplification inattendue que nous avons donnée au «ballon d'essai» de Si Abbas et aux interrogations, en réaction, fondées qu'a dû avoir Driss Jettou, quant à la loyauté politique de son partenaire actuel , à lecture de ces «confidences amicales.» 5 – Finalement, la mention faite dans la précision du siège à la dernière session du Conseil national tenue en mai 2003 et le «soutien fort au gouvernement de M. Driss Jettou et (à) l'action soutenue pour le succès de son programme» qu'elle exprime, elle nous rappelle par son caractère officiel que la parole «spontanée» de Abbas El Fassi n'engage pas, du moins pas encore, le Conseil national de l'Istiqlal sur cette question. Par contre, cette mention renforce le distinguo, apparent et subtil, fait dans la précision entre le Parti de l'Istiqlal et son siège. C'est, d'ailleurs, ce genre de finesse essentielle qui fait la différence, chez nous, entre un vieux parti blanchi sous le harnais et un nouveau parti cornaqué par béotien. Tout l'art de la politique se trouve ici résumé avec, on en convient, un panache certain.