Les rapports entre le Premier ministre israélien avec son ministre des Finances sont pour le moins tendus. Une tension qui remonte à l'époque où l'un était ministre des Infrastructures sous le gouvernement de l'autre. Nous avions parlé d'une réelle tension dans la situation intérieure en Israël. Mais une rencontre de «réconciliation » a été aménagée par Ariel Sharon qui a invité, à titre exceptionnel et étonnant -, Benyamin Netanyahou à la commémoration de la mort de sa femme Lily Sharon, réservée, jusque-là, aux amis intimes et aux membres de la famille. Il s'agissait, a laissé entendre un conseiller stratégique de Sharon, d'une «baisse de la hauteur des flammes dans les relations, en détérioration continuelle, entre Sharon et Netanyahou », a rapporté Yoël Marcus dans le journal Haaretz. Il est nécessaire de rappeler que les rapports entre les deux hommes politiques datant de l'élection de Benyamin Netanyahou à la tête du gouvernement, en 1996, après avoir battu Shimon Peres aux élections du Premier ministre israélien. Ariel Sharon était, dit-on, stupéfait de constater que Netanyahou n'avait aucune intention de le nommer ministre. Seules les menaces de David Lévy de se retirer du gouvernement de droite, avaient obligé le Premier ministre de l'inclure dans son équipe, ajoutant à son humiliation. Sharon recevra un ministère taillé sur mesure « Les Infrastructures », qui allait lui permettre de favoriser la colonisation à Gaza et en Cisjordanie… Cette humiliation, Sharon ne l'oubliera jamais, affirme Yoël Marcus. A un certain moment, face à une menace d'invasion de l'Irak par les Américains, Sharon apprenait que Netanyahou, alors Premier ministre, envisageait l'usage d'une « arme fatale », si Saddam Hussein lançait à nouveau des fusées contre Israël.. En compagnie du général Raphaël Eitan, il s'était présenté devant Netanyahou pour l'avertir que la seule évocation de ce projet aux oreilles des Américains, allait «empêcher à jamais d'utiliser cette option ». Netanyahou, qualifié de «paniquard», les Américains avaient renoncé à leur guerre prévue, déjà à cette époque, en 1997, probablement… D'autre part, à la chute du gouvernement d'Ehoud Barak, en 2001, Netanyahou voulait à nouveau se présenter. Mais Sharon sut l'obliger à se retirer pour lui laisser une victoire plus facile. Sharon aura, alors, remporté deux élections, amenant Netanyahou à dépendre de sa seule volonté. Allant même jusqu'à le transférer du ministère des Affaires étrangères, plus à sa mesure, pour le rejeter aux Finances, en accordant ce poste essentiel à un « second » du parti, Sylvain Shalom. Devant la nouvelle « constellation politique », celui que l'on surnomme Bibi (Benyamin) décide de mener une opposition interne à Sharon : « Il l'a fait transpirer par sa campagne en faveur du référendum (contre le désengagement de Gaza) et par sa rencontre nocturne avec le Grand Rabbin Ouvadia Yossef, pour obtenir son appui déguisé… voire même rémunéré ». Mais sans succès, le Shass ayant voté au Parlement contre la loi sur le référendum… Dès la victoire de Sharon, son entourage menace, ouvertement, « de régler des comptes avec Bibi». Mais, dans son état d'esprit actuel, Sharon préfère tenir compte des prochaines élections, législatives qui auront lieu au plus tard en novembre 2006, et veut éviter de « développer la rage de vengeance » de son concurrent déclaré. Yoël Marcus revient sur la rencontre, mardi soir dernier, entre Sharon et Netanyahou autour de la tombe de Lily Sharon et ajoute : « Je ne sais pas ce qu'ils se sont dits, mais il est possible de prévoir ce qui doit arriver. Depuis des générations, depuis la création de l'Etat d'Israël, ce pays a été dominé par des couples hostiles : Ben Gourion contre Sharet ; Echkol contre Ben Gourion : Béguin contre Sharon ; Shamir contre Sharon ; Peres contre Rabin puis Peres contre Barak, après l'assassinat de Rabin et aujourd'hui encore ; enfin, Netanyahou contre Sharon… Ces combats se sont, toujours, terminés par la victoire de l'un et l'élimination de l'autre ». Dans la vérité de l'examen historique, certains ont conclu un cessez-le-feu provisoire, mais jamais la reconstitution d'une grande amitié. Donc, la préparation des élections de 2006 ou à une date plus proche probablement, a commencé dans le monde politique israélien, constate un autre journaliste, Alouf Ben qui ajoute : « il n'est pas possible, autrement, de comprendre la conduite de Sharon qui se prépare, ouvertement aux élections prochaines de son parti, le Likoud, contre Netanyahou. C'est la seule conclusion qui peut expliquer les tentatives maladroites de réconciliation avec les « rebelles » du parti et les chefs des colons ; l'invitation de Netanyahou sur la tombe de Lily Sharon ; la rupture des contacts avec les Palestiniens ; la promotion de ses partisans dans le parti Likoud pour les remercier de leurs votes à la Knesset… De son côté, Benyamin Netanyahou a nettement tourné à droite, -à l'extrême droite. Pour le contenter, Sharon et sa suite vont jusqu'à déclarer que le désengagement de Gaza «sera le dernier retrait et des blocs de colonies seront annexés, même sans l'accord des Américains ». Il s'agit là, d'un retour à l'ancien « Arik » Sharon « classique ». Cette constation est heureusement loin d'être confirmée. Sharon, après avoir conduit son parti depuis deux ans, chercherait en réalité, à « revenir à la maison», après la fin de la bataille pour réaliser le désengagement. Il semblerait regretter l'erreur d'avoir supprimé le double vote,l'un pour l'élection directe du chef du gouvernement, un deuxième pour l'élection des députés de la Knesset. « En 2001, Sharon semblait s'imposer, rappelle Alouf Ben, Il était peu populaire, car un dirigeant au passé chargé passait mal à la télévision… Soudain tout a changé, le public est tombé amoureux du « Grand-père » national, mais son parti lui tournait le dos». Il soupire avec nostalgie, l'élection directe qui l'avait libéré des contraintes des députés, et, surtout, des membres du Comité central du Likoud dominé par l'équipe Netanyahou, pour se contenter d'un dialogue avec le peuple des électeurs. Il ne peut essayer de refaire l'Histoire, mais seulement à reconquérir « l'affection du Likoud sans perdre celle du public». a liberté de manœuvre du gouvernement Sharon, ne pourra qu'être réduite après le désengagement de la Bande de Gaza, au plus tard le 20 juillet 2005. Une nouvelle démarche, pour sortir les Israéliens des territoires ne pourra être retardée, surtout si le président Mahmoud Abbas confirme l'Autorité palestinienne, avec les résultats des élections législatives palestiniennes prévues en juin prochain, que l'on veut, à présent, reporter au mois de novembre 2005. Donc, les grands analystes se posent tous la question fondamentale, « Sharon serait-il devenu un véritable homme d'Etat israélien acceptant de développer, plus encore, le processus de paix avec l'aide des Américains et la contribution de Mahmoud Abbas (Abou Mazen) et de toutes ses institutions palestiniennes… » ?