Une importante exposition collective, autour du thème de la montagne, se poursuit jusqu'au 18 juin à l'espace d'art Actua de la BCM. Douze peintres marocains ont répondu favorablement à l'appel d'une association pour créer des œuvres, dont certaines sont d'une grande densité plastique. C'est l'une des rares expositions d'œuvres plastiques reposant sur une thématique. Elle est peut-être l'unique du genre au Maroc. Certes, il y a eu des manifestations collectives autour d'un sujet précis, mais les peintres y participaient, la majorité du temps, en puisant dans leur atelier, et non pas en créant des œuvres spécialement pour l'événement. Pour l'exposition, intitulée « A la recherche de nos Atlas secrets », les peintres Fouad Bellamine, Amina Benbouchta, Mohammed Bennani, Mustapha Boujemaoui, Hassan Bourkia, Khalil El Gherib, Tibari Kantour, Miloud Labied, Najia Mehadji, Abdelkrim Ouazzani, Hassan Slaoui et Abderrahim Yamou ont construit des œuvres sur le thème de la montagne. Cette manifestation n'est pas seulement artistique. Son thème a été suggéré par l'AMRASH (Association marocaine de recherche-action pour l'épanouissement social et humain). Leïla Tazi, la présidente de cette association, se félicite de la participation des artistes, mais souligne avant tout les missions assignées à cet événement. Il s'agit de sensibiliser les Marocains à la précarité de la vie des hommes et des femmes qui vivent dans la montagne. Il s'agit de leur faire prendre le chemin du « Jbel ». « Beaucoup de Marocains se rendent aux Alpes pour chercher la montagne, et oublient qu'elle se dresse à quelques km de leur maison », dit Leïla Tazi. Cette sensibilisation peut aussi venir de l'intérêt pour les œuvres des artistes. À cet égard, le spectateur sera très surpris par la qualité de certaines œuvres exposées dans l'espace d'art Actua de la BCM. En premier lieu, celles de Khalil El Gherib. Alors que la montagne ne l'avait pas intéressé plastiquement jusque-là, Khalil El Gherib a traité ce nouveau thème sans rien lui sacrifier de la façon dont il a l'habitude d'aborder les sujets qui le préoccupent. L'effritement et la décomposition, qui sont la marque patente du faire de cet artiste, caractérisent également les œuvres où il s'est mesuré à la dureté de la montagne. Il en a créé trois. La première est un tableau jonché de galets enveloppés dans la chaux. En fait, ces corps ressemblent à des galets seulement en apparence. Il s'agit en réalité de bouts en polystyrène récupérés dans les côtes d'Assilah. Leurs différents volumes en mettent pleins les yeux. La densité visuelle qu'ils communiquent est augmentée par des protubérances qui logent comme des parasites sur les corps en polystyrène. Dans la deuxième œuvre, la vie et la mort s'affrontent pour un devenir qui ne cesse de se défaire. Sur du papier-calque, l'artiste a apposé dans la partie inférieure un acide qui condamne l'œuvre à des transformations qui la mèneront, sans doute, à l'effritement. Autre destruction lente est celle que donne à voir une installation qui peut faire, à elle seule, l'objet d'une exposition. Cette installation est constituée d'un amas de pierres d'alun, dits en marocain “cheba”, qui tiennent à l'intérieur d'un carré en verre. Les petits morceaux en pierre d'alun sont mis les uns sur les autres de façon à constituer un monticule. Ils sont illuminés d'en bas par une ampoule. Ce qui augmente leur transparence naturelle. L'éclat des morceaux en pierre d'alun comprend un prix. Car en même temps qu'elle les illumine, l'ampoule les fait fondre à petit feu sous l'effet de la chaleur. Un feu d'un autre ordre est à l'origine de la montagne de Fouad Bellamine. Dans une œuvre, composée de 9 tableaux juxtaposés les uns aux autres, la force, le jaillissement, le fragmentaire et l'éclat sont rendus dans des tons gris et noirs. Fouad Bellamine a expliqué la genèse de cette œuvre. Au départ, il voulait donner corps à la montagne de son enfance : Zalagh à Fès. Il a expliqué qu'il a commencé à la peindre en même temps que l'alliance américano-britannique avait lancé son armée contre l'Irak. L'œuvre n'a pu échapper à l'actualité, et c'est ce qui en explique l'apparence apocalyptique. D'ailleurs, le peintre ne fait pas de mystère sur la vision qu'il a imprimée dans son œuvre. Il l'a intitulée « Bagdad montagne ». Mostapha Boujemaoui et Tibari Kantour ont, quant à eux, réalisé des tableaux où l'on reconnaît la forme de la montagne. Le premier a utilisé les grains de thé pour reconstituer la configuration d'une montagne. Cette œuvre, toute en relief, fera bien des admirateurs parmi les visiteurs. Le second a passé trois jours dans la montagne avant de se mettre au travail. Et il n'a pas peint une seule, mais plusieurs montagnes sur un tableau qui est allongé. Cette horizontalité, de même que ses couleurs orange, rappellent la ligne d'horizon telle qu'on peut l'observer à la mer au moment du crépuscule.