Mehdi Daoudi, président de l'association des ingénieurs de l'EMI, fait le point sur la formation des ingénieurs et l'impact de la fuite de cerveaux sur le développement économique du Royaume. ALM : Combien forment les écoles d'ingénieurs de jeunes sur les métiers de l'ingénierie industrielle, des télécoms et de l'agro-alimentaire ? Mehdi Daoudi : Selon les statistiques publiques, les dizaines d'écoles d'ingénieurs forment chaque année entre 800 et 900 personnes. Ces écoles se divisent en deux catégories. Celles qui forment des ingénieurs industriels et celles qui dispensent des cursus en matière agricole. Pour la première catégorie, on peut citer : EMI, ENIM, Ecole Hassania, INPT, ENSIAS et ENSEM. Pour les écoles spécialisées en agriculture et en agro-alimentaire, le Maroc dispose de trois principaux Instituts : Ecole Nationale d'Agriculture à Meknès, l'Ecole Forestière de Salé et l'Institut d'Agronomie et vétérinaire (IAV). Au total, nous disposons de 25 mille ingénieurs, toutes branches confondues. Autrement dit, nous avons une moyenne de 8,5 ingénieurs pour 10 mille habitants. Mais comparativement à d'autres pays, cette moyenne de représentativité d'ingénieurs par rapport à la population reste faible . Il faut reconnaître que notre pays est loin de la moyenne internationale qui exige un minimum de 15 ingénieurs pour dix mille habitants. Ce niveau est nécessaire pour déclencher un processus de développement économique dans un pays en voie de développement, selon les modèles de pays émergents établis par les organisations internationales. Dans les pays développés, ce niveau dépasse 64 en France et 540 au Japon. Cette faiblesse n'est-elle pas due au coût élevé de la formation d'un ingénieur ? Certes, la formation d'un ingénieur coûte au système éducatif plus cher que les autres cursus. A titre comparatif, un élève ingénieur de l'Ecole Mohammedia des Ingénieurs (EMI) coûte environ 500 mille DH. Ce montant ne prend en considération que le coût des trois années passées à l'école après les classes préparatoires. Ce qui est paradoxal, c'est le départ des ingénieurs de ces écoles à l'étranger pour travailler dans les entreprises et les centres de recherche de pays européens, alors que c'est leur pays qui a investi dans leurs formations en payant un prix fort. Sur la base de ce diagnostic de départ, quelle est l'ampleur du phénomène de la fuite de cerveaux ? C'est un phénomène préoccupant. A défaut de statistiques précises, les professionnels estiment que les départs d'ingénieurs vers l'étranger se situent aux alentours de 10 % du nombre de personnes formées annuellement par les différentes écoles publiques. Ce taux a atteint presque 80 % des lauréats en 2000 et 2001 pour les profils spécialisés en technologies de l'information. L'hémorragie touche également les étudiants qui accèdent directement aux écoles d'ingénieurs françaises après la réussite des deux années préparatoires.