La centrale de Noubir Amaoui se distingue de nouveau en hébergeant en son sein la section syndicale de Al Adl Wal Ihssane. Cette adhésion, qui n'était pas connue jusqu'ici, a été révélée à l'occasion d'une rencontre sur le thème «La réalité syndicale au Maroc» organisée samedi 3 mai à Casablanca et animée par des syndicalistes des deux tendances. Quel intérêt ont Al Adl Wal Ihssane et la CDT d'opérer un rapprochement pour le moins inédit ? La rencontre aurait pu passer inaperçue si elle n'a pas été reprise sur le site de la Jamaa. Pourtant sur le plan de la symbolique et au vu des messages qu'elle porte, elle constitue un événement qui aura probablement des effets notables sur la dynamique syndicale et partisane du pays. Le 3 mai 2003, au Complexe culturel Maârif de Casablanca, la Confédération démocratique du travail (CDT), l'Union nationale des travailleurs du Maroc (UNTM), proche du Parti de la justice et du développement (PJD) et le secteur syndical de l'Association Al Adl Wal Ihssane, se sont réunis lors d'une rencontre tenue sous le thème «la réalité de l'action syndicale au Maroc». Alors qu'Al adl Wal Ihssane avait mandaté, à cette rencontre, Hassan Azzaoui, membre du Conseil national de son secteur syndical (Al Majliss al qotri), et que l'UNTM avait délégué Said Samine, secrétaire régional adjoint du syndicat à Casablanca, la CDT s'est représentée par Abdelghani Raqi, secrétaire général régional à Mohammédia, également membre du Bureau national du Syndicat national de l'enseignement (SNE_CDT). Ce dernier a fait part dans son allocution de l'adhésion des islamistes du Chekh Yassine à la centrale syndicale à laquelle il appartient. Un fait qui ne fait que traduire, selon certains anciens dirigeants du syndicat précité, la ligne de conduite de Noubir Amaoui et d'une volonté de réunir au sein du Bureau exécutif de la centrale toutes les sensibilités radicales et opposantes au gouvernement. Car, après avoir intégré les courants du PADS (Parti de l'avant-garde démocratique socialiste), d'Annahj addimocrati (La voie démocratique) des Démocrates indépendants et du Mouvement pour la démocratie, depuis quelque temps, l'accent est mis sur l'intégration des courants d'Al Adl Wal Ihssane à la CDT. Les dernières manifestations en date sont celles portant sur les manifestations de soutien au peuple irakien, et l'observation de la dernière grève générale de 48 heures à laquelle ont appelé la CDT et l'UNTM et qui s'est distinguée par la participation des islamistes de la Jamaâ du Cheikh Yassine. Bien entendu, ce fait n'est pas nouveau. Du moins au niveau des rapports personnels entre Cheikh Abdessalem Yassine et Mohamed Noubir Amaoui. En avril 1992, lors de son procès, M. Amaoui n'a pas manqué d'évoquer Abdessalem Yassine, un «ami que je n'aie pas revu depuis 21 ans». Deux années, plus tard, le même Amaoui avait annoncé qu'il connaissait le Cheikh depuis 1956. En 1971, ajoute –t-il en guise de précision, «Je l'ai revu chez lui et j'ai discuté pendant sept heures avec lui en tête-à-tête», avant de conclure avoir «de la sympathie -je ne le cache pas- envers certaines personnalités islamiques» et d'annoncer que «les mouvements islamistes constituent aujourd'hui un phénomène mondial et je suis partisan du dialogue avec ces courants et je souhaite trouver des interlocuteurs parmi eux». En guise de réplique à ces propos, le guide suprême de la Jamaa Al adl Wal Ihssane, n'a pas oublié de citer son ami parmi «les humbles démocrates» à qui il a adressé des messages d'amitié et compte entamer un dialogue. Cela dit, la rencontre du 3 mai, revêt probablement une importance notable dans la mesure où il s'agit de l'un des rares moments où le débat avec les courants islamistes, particulièrement, Al Adl Wal Ihssan, est public. En général, annoncent des syndicalistes ayant côtoyé la CDT, la coordination se fait en catimini et ne dépasse guère la manifestation lors de certaines occasions telles que la célébration de la fête du travail. Dans le même ordre, les deux parties préfèrent le travail souterrain. La partie visible de cet iceberg se limite aux manifestations organisées en collaboration avec le PJD ou son aile syndicale. Mais aujourd'hui, il semble que cette formule est en passe d'être consommée et dépassée. Du côté de la centrale et du CNI, un besoin pressant se ressent en termes de soutien populaire, alors qu'en contrepartie, l'association du Cheikh Yassine ne saurait maintenir en mobilisation permanente des militants n'ayant pas d'espace de manœuvre politique partisane légale. «Donnant, donnant» telle est la devise qui découle de ce «deal» dont les différents aspects pourraient prendre manifestement forme, sur le plan syndical, lors des prochaines élections des délégués du personnel et des commissions paritaires, et politiquent lors du 12 septembre, à l'occasion des prochaines échéances communales.