Le Maroc et l'Espagne vont signer un accord permettant le refoulement vers leurs pays d'origine des immigrés clandestins subsahariens. Un engagement que le Maroc ne saura honorer que si l'UE met à sa disposition les moyens logistiques qu'elle s'est engagée, depuis fort longtemps, à lui fournir. Le mardi 18 novembre, le ministre de l'Intérieur, El Mostapha Sahel, se rendra en Espagne où il aura des entretiens avec son homologue espagnol, Angel Acebes. Un voyage qui devait avoir lieu, il y a sept mois et qui fut reporté à maintes reprises par la partie marocaine. La visite du ministre marocain en Espagne, très attendue d'ailleurs, devrait être l'occasion pour les deux parties d'aborder tous les problèmes de la sécurité qui menacent le détroit de Gibraltar. Immigration clandestine, trafic de drogue et terrorisme seront certainement à l'ordre du jour de la rencontre des deux haut responsables marocain et espagnol. Cependant, le problème de l'immigration clandestine sera le sujet le plus débattu entre les deux ministres qui se réunissent à un moment où ce dossier est passé au premier plan de l'actualité dans les relations bilatérales entre les deux pays après le naufrage d'une patera au large du littoral espagnol faisant 36 morts. La visite de travail que M. Sahel effectuera à Madrid sera aussi l'occasion pour le ministre de l'Intérieur d'expliquer à ses interlocuteurs espagnols la portée et les objectifs des deux nouvelles administrations marocaines créées sur haute décision royale pour lutter contre l'immigration clandestine. Rappelons, à ce propos, que la décision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI de créer une Direction de la Migration et de la Surveillance des frontières et d'un Observatoire de la Migration, a été saluée par le gouvernement espagnol et par toutes les composantes politiques du voisin ibérique. Toutefois, pour la partie espagnole, le point le plus important inscrit au programme de la visite de M. Sahel est celui de la ratification par le ministre marocain d'un accord sur le rapatriement vers le Maroc des immigrés clandestins d'origine subsaharienne interceptés en Espagne. C'est cette partie du programme de la visite ministérielle qui intéresse les responsables espagnols. D'ailleurs, Madrid est allée jusqu'à poser cette ratification comme une condition préalable à la visite du président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, au Maroc et la tenue de la réunion de haut niveau entre le chef de l'exécutif espagnol et le Premier ministre marocain, Driss Jettou. Une visite qui devra avoir lieu début décembre prochain. Ainsi, la visite du ministre de l'Intérieur à Madrid sera l'occasion pour le gouvernement de signer l'accord de rapatriement des Subsahariens en mettant fin à plus de sept mois de polémique et de discorde au bout desquels, le Maroc semble être prêt à céder face aux exigences espagnoles. Rappelons que les responsables espagnols ont appelé, à maintes reprises, le Maroc à accepter sans conditions le rapatriement sur son sol de tous les immigrés clandestins d'origine subsaharienne supposés venir du territoire marocain. Une exigence que la partie espagnole considère juridiquement justifiée puisqu'elle serait conforme à l'accord signé entre les deux pays en 1992 et qui stipule que le Maroc doit réadmettre tous les clandestins l'ayant utilisé comme point de départ en direction de l'Espagne quelle que soit leur nationalité. Or, Rabat a toujours refusé d'appliquer cet accord tant que ses détails techniques n'aient pas encore été clairement définis. Ces détails concernent spécialement les procédures et les conditions de rapatriement ainsi que les moyens dont les autorités espagnoles devront faire usage au moment de prouver que lesdits subsahariens auraient embarqué sur les côtes marocaines. Des détails qui ont fait l'objet de négociations entre les deux parties lors de la réunion du groupe de travail sur l'immigration tenue à Malaga début avril 2003. Lors de cette rencontre, la délégation marocaine dirigée par l'ex-directeur des affaires internes au ministère de l'Intérieur, l'actuel Wali de Casablanca, M'hamed Dreyef, les deux délégations marocaine et espagnole avaient convenu d'élargir l'application de l'accord de 1992 aux clandestins d'origine subsaharienne. Il est à signaler qu'en ce qui concerne les immigrés clandestins nationaux, les rapatriements ont lieu en toute normalité depuis la signature de l'accord. Après la signature par le responsable de la délégation marocaine à Malaga, début avril, du préaccord sur les Subsahariens, les deux parties avaient convenu que le ministre marocain de l'Intérieur et son homologue espagnol allaient se rencontrer deux semaines plus tard à Madrid pour ratifier définitivement la nouvelle convention. Ce qui ne fut pas le cas puisque le gouvernement marocain refusa de ratifier le préaccord signé par Dreyef. Ce blocage a poussé Madrid à envoyer au Maroc le délégué du gouvernement pour l'immigration, Ignacio Gonzalez, pour s'entretenir avec le ministre de l'Intérieur, El Mustapha Sahel, sur la question. Les débats des deux responsables n'ont pas abouti à des résultats concrets et la partie marocaine avait alors demandé un délai de réflexion. Aujourd'hui, après réflexion, la partie marocaine semble avoir pris la décision de ratifier l'accord et d'accepter d'accueillir sur on territoire les quelque 8.000 clandestins subsahariens annuellement interceptés en Espagne. Certes, il s'agit là d'une nouvelle preuve de la bonne foi du Maroc en matière de lutte contre l'immigration clandestine, mais il faut reconnaître que le gouvernement marocain n'a pas les moyens d'honorer cet engagement. La partie espagnole devrait donc y voir une preuve de bonne foi et faire de même en mettant à la disposition du Maroc tout le soutien financier et technique nécessaire à sa mise en application.