La première édition du film francophone «Lumières de Safi» s'est achevée lundi 13 juillet. Le réalisateur Nourredine Lakhmari, président du jury, s'explique sur cet événement dont il attend qu'il sorte, de sa léthargie sa ville natale : Safi. ALM : Aujourd'hui le Maroc : comment est née l'idée de ce festival? Nourredine Lakhmari : L'unique association culturelle de Safi est à l'origine de la manifestation. Il s'agit de l'Association culture et loisirs (ACL). Ses membres se sont d'abord adressés à moi pour que je m'occupe de l'organisation du festival, mais j'ai décliné cette offre en raison du tournage de mon long-métrage et de mes fréquents déplacements en Norvège. Ils m'ont ensuite proposé de présider le jury, et j'ai immédiatement accepté. D'abord, parce que je suis natif de Safi, et ensuite parce que mon nom peut constituer un argument auprès des partenaires et des sponsors, et c'est la moindre des choses que je puisse faire pour que Safi renaisse à la vie. Pourquoi dites-vous cela ? Safi n'est tout de même pas une ville morte ? Bien sûr que si ! Et je me bats tous les jours pour que ma petite ville vive et ne meure pas à petit feu. Safi se dégrade de partout ! Il n'y a pas d'animation culturelle ! Une ville sans culture est une ville fantôme. Le titre de ce festival est très symbolique. « Lumières de Safi » signifie la volonté de rallumer le phare d'une ville que rien ne signale à autrui. Ce titre signifie aussi l'espoir de rompre avec l'obscurité ambiante. On va tous se battre pour pérenniser l'événement! Nous n'avons pas d'ailleurs le choix ! Que voulez-vous dire par cela ? Je veux dire qu'il est temps que nos décideurs prennent conscience de l'urgence d'initier des actions culturelles dans les villes du Royaume. Il faut qu'ils comprennent que l'investissement dans la culture ne constitue pas un supplément, mais qu'il est nécessaire et indispensable pour que les habitants d'une cité vivent normalement. Un peuple ne peut pas exister sans culture ! Et une ville comme Safi ne peut renaître qu'à travers des manifestations culturelles. Les activités culturelles et artistiques sont d'autant moins superfétatoires, qu'elles constituent une arme pour combattre les extrémismes. Lorsque des jeunes vivent dans une ville où ne rien se passe, ils sont une proie facile pour les marchands du fanatisme. Il faut que les pouvoirs publics prennent conscience de cette réalité. Il faut aussi se mobiliser pour les en convaincre ! Artistiquement parlant, quels sont les critères de sélection des films en compétition ? L'immigration est le thème qui sous-tend le choix des films en compétition. Que ce soient « Au-delà de Gibraltar » de Mourad Boucif (Belgique), « l'Afrance » d'Alain Gomis (France), « Quand Mariam s'est dévoilée » de Assad Fouladkar (Liban), « Azzurro » de Denis Rabagla (Suisse), « Satin rouge » de Rajaa El Ammari (Tunisie) et « Et après.. » de Mohammed Ismaïl (Maroc), tous ces films ont pour dénominateur commun le fait de traiter de l'immigration. L'association ACL n'aura jamais réussi à les programmer sans l'aide du CCM. Je me félicite d'autant plus de cette aide que le public a pu apprécier des courts métrages, de véritables chefs-d'œuvre, grâce au CCM. L'ambassade de France nous a également aidés, de même que l'Office chérifien des phosphates (OCP). Quelle évaluation faites-vous de la première édition de cette manifestation ? C'est un petit festival de cinéma où il n'y a pas encore beaucoup d'invités. Les réalisateurs n'étaient pas nombreux, les films non plus. Les longs-métrages étaient au demeurant peu diversifiés à mon sens. En somme, il s'agit d'une petite manifestation. Cela étant, un premier pas de géant a été fait, et nous essayerons d'avoir l'année prochaine plus de films et d'invités. Le festival est appelé à grandir. Vous êtes à Safi pour présider le jury d'un festival de cinéma, et plusieurs personnes attendent votre premier long-métrage. N'auriez-vous pas souhaité qu'il soit projeté lors de ce festival ? Bien sûr que j'aurais aimé ! Ce long-métrage verra le jour, en dépit des innombrables difficultés qui accompagnent sa réalisation. On reprend le tournage de la deuxième partie du « Retour » à partir du 10 août. Tout a été mis au point avec un producteur norvégien qui a consenti à investir plus d'argent pour que le film n'avorte pas. On va le faire ce film ! Il sera prêt pour l'année prochaine. Je dois préciser que si mon premier long tarde à venir, c'est aussi en raison de mes ambitions. C'est un film immense, compliqué et nécessitant beaucoup de moyens. Je n'ai pas pu avoir les moyens, mais il y a le cœur. Et le cœur que j'ai mis dans « Le retou» consolera de leur patience les personnes qui me le réclament.