Si le repos biologique est une nécessité pour le poulpe, la gestion qu'en ont fait les trois derniers ministres de tutelle n'est pas appropriée au secteur de la pêche artisanale. Sliman Derhem, député ADL de Dakhla, tire la sonnette d'alarme au sujet des menaces qui pèsent sur la ville. ALM : Comment avez-vous accueilli l'instauration par la Primature de la commission chargée de la pêche ? Sliman Derhem : Nous sommes les premiers à saluer la réactivité de Driss Jettou sur un dossier qui touche un secteur important de l'économie nationale. Un signal fort vient d'être adressé. Il est désormais acquis que le secteur de la pêche vient d'être élevé au rang de priorité nationale, au même titre que certains secteurs locomotifs de l'économie nationale. Les réunions de travail, avec les opérateurs de la pêche hauturière, les responsables de l'administration de tutelle ainsi que les scientifiques de l'Institut national des recherches halieutiques (INRH) permettront de mieux situer l'état de la ressource et notamment les stocks du poulpe, qui, de l'avis de cet institut, sont en dégradation constante. Toutefois, s'il est vrai que le gel de la pêche est nécessaire, partant du fait que le stock en poulpe a connu une baisse de 60 %, il n'en est pas moins vrai aussi que tout un pan de l'économie de la pêche a été impacté négativement. En ma qualité de député de Dakhla, j'attire l'attention des autorités de tutelle sur un phénomène lourd de conséquences pour la pêche artisanale également. Plus de 80 000 emplois sont menacés. Quelles sont donc les menaces qui pèsent sur la ville de Dakhla? Dakhla est la province du Sud la plus prospère. Indépendamment du contexte politique, une forte dynamique économique a pris racine au sein de cette province. Depuis 1992, plus de 800 millions de DH d'investissements ont été injectés dans le secteur intégré de la pêche artisanale. Un pic de 150 millions de dollars à l'export a même été atteint. Un complexe fait à base de 80 unités de congélation d'une capacité de 2000 T/j a ainsi pris place à Dakhla. Plus de 7000 barques y travaillaient correspondantes à au moins 21 000 emplois occupés. S'y ajoutent plus de 8000 emplois directs alors que ceux indirectement générés tournaient autour de 20 000 postes. Le cumul aboutit à un chiffre de plus de 80 000 emplois qui risquent de partir en fumée si des mesures d'urgence ne sont pas prises, pour au moins en sauver un grand nombre. Quelles sont les raisons derrière la faillite annoncée de ces unités? Vous savez, le terme faillite me paraît pleinement justifié. Si le repos biologique est une nécessité, la gestion qu'ont en fait les trois derniers ministres de tutelle n'est pas appropriée au secteur de la pêche artisanale. Les plans d'aménagement des pêcheries sont à reconsidérer. Les problèmes se sont accumulés depuis des années aboutissant à la situation actuelle qui fait pesait un risque de faillite sur 90 % des unités installées. Alors que les prix ont évolué positivement par le passé, de 2000 à 8000 dollars la tonne, la libéralisation amorcée des prix, sans mesures d'accompagnement les ont fait chuter de la moitié. S'en sont suivis des problèmes graves avec les créanciers. Les crédits contractés les années précédentes ; au moment où les taux étaient plus élevés, pèsent de tout leur poids sur les opérateurs. Si rien n'est fait, la casse serait terrible et préjudiciable pour Dakhla. Quelles sont les doléances des opérateurs à Dakhla ? Le premier ministre, en élevant la pêche au rang de priorité nationale, est parfaitement conscient des contraintes de la filière. C'est pourquoi les opérateurs appellent de tous leurs vœux à un ré-échelonnement de leurs dettes respectives, à l'image de l'agriculture ou le textile. Aussi, l'effort à consentir est à concentrer sur la reconversion des unités en place à Dakhla. D'autres pêcheries dites pélagistes sont à encouragées. D'ailleurs, il est désormais prouvé que le stock pélagiste, qui s'est accru, menace le poulpe. Nous sommes convaincus qu'une régulation est possible à travers un programme intelligent d'attribution de licences. En parallèle, les villages de pêche sont un outil d'intégration économique et social incontournable. Toutefois, les opérateurs de la pêche hauturière estiment que la pêche artisanale nuit au poulpe et évolue dans l'informel? C'est justement pourquoi nous plaidons pour une intégration de la filière et sa modernisation. Ce travail passe nécessairement par la création de villages de pêche dans ces provinces conformément au discours Royal d'il y a deux ans. Ces villages ont beaucoup d'avantages. Ils sont de nature à favoriser la sédentarisation des marins-pêcheurs dans un environnement professionnel et social sain. Par contre, les arguments avancés ne sont pas justifiés. La pêche artisanale est sélective contrairement à la hauturière. Un chalutier nettoie en profondeur. Il suffit d'une semaine d'exploitation pour que la zone visitée devienne un désert. Quant à l'informel, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les déchargements se font plutôt à Agadir. Il est inconcevable que le port de Dakhla, doté de tous les moyens nécessaires continu à être ainsi «boudé». Le manque à gagner pour la province, en taxes notamment, est conséquent. Il est donc urgent de tirer la sonnette d'alarme. Des solutions existent. Il suffit d'un dialogue constructif et de la bonne volonté pour trouver des solutions.