Maintenant le défi est de faire que les 10 années à venir soient aussi riches, voire plus. Pour cela il ne faut pas s'endormir sur les acquis, il faut innover sans cesse, il faut faire preuve d'inventivité, il faut surprendre. L'idée est née il y a exactement 10 ans, elle s'est concrétisée autour d'un dîner chez un ami franco-marocain comme moi, Hassan Harrat, rentré au pays et qui a ouvert un restaurant «Au Comptoir du Parc» à Mohammedia. Nous étions trois : Hassan, Younes Boumehdi et moi-même. Personnellement, j'étais rentré au Maroc depuis 6 ans, j'étais venu pour passer une année sabbatique dans mon pays d'origine mais les attentats du 16 Mai 2003 qui avaient touché notre pays m'avaient donné l'envie de rester et de m'investir dans le domaine associatif et tout particulièrement au sein de la jeunesse, objet de mon engagement depuis toujours. Durant ces 6 premières années je m'étais lancé dans la création d'un réseau d'associations de jeunes «Le Réseau Maillage», à travers le Royaume, nous étions parvenus jusqu'à un total de 50 associations. Cela a été une expérience incroyable qui a vraiment imposé la jeunesse comme un interlocuteur auprès des autorités localement, auprès des agents d'autorité, et surtout qui a donné l'envie et le goût de l'engagement à des jeunes aussi bien à Casa, Rabat que dans des villes de différentes provinces telles que Beni-Mellal ou Marrakech ou encore dans une petite commune comme Akreuch. Sincèrement ça a été une période intense, riche mais épuisante et puis surtout qui a rencontré des réticences fortes, c'était une forme de mobilisation nouvelle qui a «dérangé» certain(e)s parti(e)s sur le terrain. Bref au bout de ces 6 ans nous avons pensé que chaque association pouvait devenir autonome et personnellement j'avais l'envie d'ajouter une corde à mon arc, celle du vivre-ensemble. J'ai expliqué mon projet à Hassan et Younes : créer une association qui agirait dans 2 directions : la jeunesse et le vivre-ensemble, en faisant en sorte que la culture soit le fer de lance de notre double combat. Nous avons bossé, réfléchi, réuni un noyau d'autres personnes autour de nous et c'est ainsi qu'est né Marocains Pluriels. Nous sommes allés voir 3 personnes pour expliquer notre idée: André Azoulay, conseiller de SM le Roi, et qui m'avait «découvert» alors que j'étais tout jeune en France et qui m'avait invité à rejoindre l'association qu'il avait créée à l'époque : «Identité et Dialogue», Mohamme Berrada dont j'avais mesuré la force d'action lorsqu'il était ambassadeur du Maroc à Paris, et Rita Zniber que j'avais rencontrée quand j'étais au cabinet de Martine Aubry et dont j'admirais l'engagement. 10 ans plus tard nous sommes fiers de notre bilan d'étape, nous avons -grâce à des activités et des événements, tels que Café Politis, Ftours Pluriels, Escalablanca ou encore le Forum Euro-Méditerannéen des Jeunes Leaders (en partenariat avec l'Ambassade de France)- touché des milliers de jeunes, dont des centaines on été concrètement impactés. Nous avons ouvert des voies, nous nous sommes attaqués à des tabous, notamment imposés à la jeunesse, nous avons débattu de sujets tels que la sexualité, les rapports entre compatriotes marocains musulmans et juifs, le sida, l'exclusion, le risque de ghettoïsation sociale, la mixité, etc. Bref sans vantardise mais sans fausse modestie non plus, nous pouvons dire que nous avons marqué cette décennie. Oh le chemin parcouru n'est rien par rapport au chemin qui reste à parcourir mais tout de même, la jeunesse s'est imposée sur la scène sociale, dans plein de villes et dans beaucoup de domaines les jeunes «gagnent du terrain», ils sont devenus non seulement des interlocuteurs mais aussi des acteurs. Autre acquis, nous avons réussi à briser le «plafond de verre» de l'axe Casa-Rabat : aujourd'hui en plus de ces 2 villes nous agissons en partenariat avec des jeunes à Marrakech, à Fès, à Essaouira, à Tanger… Il se passe des choses formidables dans ces villes grâce aux jeunes, à tel point que cela nous a donné l'idée de créer un «Label» : Morocco l' Ghedd, qui n'est pas une fédération, mais une démarche bien plus innovante : réunir sous un même label des associations de jeunes qui se retrouvent autour d'une même philosophie et qui organisent des actions en commun – le même jour, à la même heure- à travers tout le pays. La dernière en date a eu un impact extraordinaire : planter un olivier de la fraternité devant mosquées, synagogues et églises dans différentes villes du Royaume. Et puis grâce au réseau de connaissances, aux relais parmi les acteurs de la société civile et les décideurs, que nous avons instauré, nous avons pu mettre le pied à l'étrier à de nombreux jeunes, c'est extrêmement valorisant de savoir que nous avons pu apporter notre pierre à la concrétisation du parcours de vie d'un jeune… Enfin je citerais 2 véritables motifs de fierté : André Azoulay a dit lors de notre Ftour Pluriel du mois dernier que nous avions créé un véritable modèle car aujourd'hui des Ftours Pluriels s'organisent dans de nombreux pays… et des jeunes m'ont confié qu'ils s'estimaient être de «la génération Café Politis» puisque c'est là qu'ils avaient appris à oser s'exprimer en public et pris goût au débat. Maintenant le défi est de faire que les 10 années à venir soient aussi riches, voire plus. Pour cela il ne faut pas s'endormir sur les acquis, il faut innover sans cesse, il faut faire preuve d'inventivité, il faut surprendre. Nous avons d'ores et déjà deux grands projets : le lancement d'un mouvement que nous avons baptisé «Osons la Fraternité» – ce sera pour la rentrée- et un rêve qui, je l'espère, deviendra réalité en 2020 : instaurer une formation aux métiers de l'animation socioculturelle pour les jeunes des quartiers populaires, sur le modèle du Bafa (Brevet d'aptitude aux fonctions d'animateurs) en France. Nous allons aussi «Nous mêler de ce qui nous regarde», ce sera le slogan, en faisant en sorte que le plus grand nombre de jeunes aillent voter lors des prochaines élections. Nous avons une idée pour cela, mais nous ne la dévoilerons qu'au moment venu… Enfin, la culture ! La culture de proximité sera aussi notre cheval de bataille pour les 10 années à venir, car la culture est le remède, la solution à une grande partie de nos maux : nous travaillons à un projet de partenariat entre «Jeunes Cultureux» : «Uni'sons», qui réunira jeunes du Royaume et jeunes marocains de l'étranger.