Mohamed Larbi Messari, membre du comité exécutif de l'Istiqlal, estime que les Espagnols ont du mal à accepter les immigrés marocains. Mais ces derniers sont également responsables de l'image qu'ils donnent du Maroc, un pays qui n'a rien fait pour encadrer les MRE. ALM : Quelles sont, selon vous, les raisons de la recrudescence des agressions racistes en Espagne ? Mohamed Larbi Messari : En fait, les Espagnols ne sont pas habitués à accueillir des étrangers. Certes, c'est un pays touristique, mais le touriste ne reste que quelques jours et puis s'en va. En revanche, l'immigré partage désormais avec les Espagnols le bus et l'ascenseur. Leurs enfants vont aussi dans les mêmes écoles. C'est une situation à laquelle tous les Espagnols ne sont pas réellement habitués. L'Espagne a toujours été un pays émetteur d'immigrés, aujourd'hui la tendance s'est inversée. A côté de cela, les immigrés marocains ont une situation beaucoup plus délicate que les autres nationalités. Quelle est la nature de cette situation? Selon un sondage réalisé par un organisme espagnol appelé le CIS, la première nationalité rejetée par les Espagnols, c'est la marocaine. Nous sommes moins acceptés que les Nord-Africains ou les Arabes et encore moins que les Africains. Seuls les Gitans ont réussi à nous devancer. Ceci-dit, les Espagnols n'assument pas toute la responsabilité de la recrudescence des actes racistes. Certains immigrés, eux-mêmes, et l'Etat marocain sont également à plaindre. Pourquoi les immigrés? Il suffit de voir qui sont ces immigrés clandestins qui vont en Espagne. Certains d'entre eux vivaient dans une misère totale avant de se diriger vers l'Espagne. Paraît-il, bon nombre des clandestins ne soupçonnait même pas l'existence du robinet d'eau. Les clandestins dorment n'importe où. Pour survivre, ils sont contraints au vol et même à l'agression. Ce ne sont certainement pas les meilleurs représentants du Maroc. Jusqu'à quel degré l'Etat marocain a-t-il, lui aussi, une part de responsabilité ? Pour cela, il suffit de procéder à un simple comparatif avec l'époque de l'Espagne franquiste. Dans tous les pays où les Espagnols étaient présents, il y avait un Centre culturel, une Casa-Espana… L'Etat espagnol fournissait beaucoup d'efforts pour encadrer ces citoyens. A Alméria, j'ai demandé à rencontrer les représentants de la communauté marocaine: 18 associations sont venues me voir. C'est beaucoup trop. Je leur ai demandé de se réunir au sein d'une seule et même association. Il faut reconnaître que nos MRE ne sont pas suffisamment encadrés. Les services consulaires doivent être renforcés. Comment voyez-vous l'avenir de l'immigration entre le Maroc et l'Espagne ? Lors des dix prochaines années, l'immigration sera le problème principal dans les relations maroco-espagnoles, et surtout maroco-européennes. D'ailleurs, l'immigration en soi est inévitable. Felipe Gonzales, l'ancien président du gouvernement espagnol, disait qu'à la place de l'immigré, lui-même reviendrait encore une fois à traverser le Détroit, même s'il est arrêté puis expulsé. Il faut donc promouvoir l'immigration légale, celle qui se fait par des contrats et assure une couverture sociale au travailleur. Il faut par ailleurs, combattre les mafias des passeurs qui sont les véritables criminels. Enfin, le rôle des médias est primordial. Quel rôle peuvent jouer les médias ? Il s'agit essentiellement des médias audiovisuels. Ce sont eux qui touchent le plus grand nombre de citoyens, contrairement à la presse écrite. Il faut expliquer aux Marocains, surtout ceux qui viennent de l'intérieur du pays, que l'immigration ne signifie pas Eldorado. Aussi, nos médias audiovisuels doivent traiter de ce problème sans aucun tabou. Il faut parler de tous nos maux et traiter avec objectivité des cas où un agent de l'administration commet des erreurs. C'est le cas de ce gendarme à Bab Sebta qui a aidé un jeune homme à s'immoler par le feu. La victime, dans un état grave, a été secourue et hospitalisée par les Espagnols. Les Marocains sont restés les bras croisés.