La communauté internationale accueille diversement l'exposé du secrétaire d'Etat américain devant le Conseil de sécurité. Les Etats-Unis n'en ont pas moins fait un pas supplémentaire vers la guerre. L'accueil fait aux preuves exposées par Colin Powell devant le Conseil de sécurité sur les violations par l'Irak de la résolution 1441 va du haussement d'épaules au hochement de tête. La diversité des réactions reflète l'attitude que l'on a à l'égard des Etats-Unis. Pour les plus proches alliés, les photographies-satellites et les enregistrements de conversations entre dirigeants irakiens prouvent de façon incontestable que l'Irak menace l'équilibre international. Pour d'autres, par contre, ces preuves, loin de convaincre, appellent surtout à une intensification des inspections des experts de l'ONU. Le régime de Saddam Hussein, premier concerné, accuse l'Administration Bush d'avoir inventé de toutes pièces les documents présentés par le secrétaire d'Etat Colin Powell. Il les qualifie de tentative grossière de fragiliser la mission des inspections pour justifier une agression. L'ambassadeur de l'Irak à l'ONU a accusé les Etats-Unis d'avoir fabriqué les preuves exposées. Mohamed Aldouri a argué que «les programmes de fabrication d'armes de destruction massive ne sont pas, contrairement à des cachets d'aspirine, faciles à dissimuler. Les inspecteurs ont parcouru l'Irak en tous sens et n'ont rien trouvé». La Chine, premier pays à réagir à l'exposé de Powell a estimé que les éléments fournis rendaient d'autant plus importante la mission des inspecteurs onusiens. La Russie, elle aussi membre permanent du Conseil de sécurité, a aussi estimé que les preuves à charge contre l'Irak devaient à présent êtres vérifiées par les inspecteurs des Nations unies sur le terrain. «Ces informations exigent d'être étudiées de manière très sérieuse et exhaustive», a déclaré le ministre des affaires étrangères Igor Ivanov. Son homologue français, Dominique de Villepin, a appelé l'ONU à choisir la voie du «désarmement par la paix » via un renforcement des inspections, mais a reconnu qu'un recours à la force contre Bagdad pourrait être envisagé en cas d'échec de la résolution 1441. «L'usage de la force ne peut constituer qu'un dernier recours. Pourquoi aller à la guerre s'il existe encore un espace non utilisé dans la résolution 1441 ? Nous devons donc franchir une nouvelle étape et renforcer encore les inspections», a-t-il déclaré, reconnaissant qu'il y avait dans le discours de Powell «des informations, des indices, des questions qui méritent d'être approfondies». Seul Etat arabe siégeant actuellement au Conseil de Sécurité, la Syrie a réagi de la façon la plus biaisée qui soit en déclarant par la voix de son ambassadeur à l'ONU qu'il fallait «tous collaborer en vue de la paix parce que nous sommes capables d'obtenir la paix si nous nous armions de bonne foi, de détermination et de volonté politique». Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa a été plus explicite en estimant que les preuves fournies par le Secrétaire d'Etat américain Colin Powell contre l'Irak étaient insuffisantes et que les inspecteurs des Nations unies devaient s'assurer de leur véracité. Les preuves et les accusations contenues dans le discours de M. Powell ne sont que des informations qu'il faut fournir immédiatement aux inspecteurs de l'ONU pour qu'ils s'en assurent», déclaré à la presse M. Amr Moussa. Les alliés des Etats-Unis ont serré leurs rangs derrière Washington après avoir trouvé convaincantes les accusations contre l'Irak. Seul pays, avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ayant déjà envoyé des troupes au Golfe, l'Australie a qualifié de «profondément troublant» les éléments apportés par Powell et estimé que seul un revirement de l'Irak pouvait maintenant empêcher une guerre. Pour le chef de la diplomatie australienne, les preuves américaines sont de nature à faire fléchir la France et la Russie. Le Japon, principal allié des Etats-Unis en Asie, a estimé pour sa part que les soupçons sur l'arsenal militaire irakien avaient été renforcés par le discours de Powell et a laissé entendre que Tokyo soutiendrait le recours à la force. Israël et le Canada ont jugé pour leur part convaincants les arguments du secrétaire d'Etat américain. En Europe, dix pays de l'Est ont estimé que les Etats-Unis venaient de montrer à l'ONU qu'elle devait agir pour débarrasser le monde des armes de destruction massive de l'Irak. L'Espagne réagit dans le même sens en soulignant que le régime de Saddam Hussein doit comprendre que s'il « ne respecte pas ses obligations, il devra affronter de graves conséquences».