Le marché des mini-messages (SMS) commence à prendre de l'importance aussi bien dans le quotidien des utilisateurs du mobile que dans le chiffre d'affaires des opérateurs. Ismaïl Douiri, P-DG de Dial Technologies, fait le point sur cette niche à fort potentiel. ALM : Comment évaluez-vous actuellement le marché de SMS au Maroc ? Ismaïl Douiri : Le marché de SMS au Maroc en est encore à ses débuts, bien qu'une étape cruciale ait été franchie en septembre dernier lors de l'interconnexion des deux opérateurs (échange de SMS possible entre les deux réseaux). Depuis cette date, et comme cela s'est passé dans tous les pays au moment de l'ouverture de l'interconnexion, les volumes de SMS échangés entre téléphones mobiles ont fortement augmenté. Durant les jours de fêtes, comme récemment Aïd Al Fitr ou le Nouvel An, les volumes atteignent des niveaux exceptionnels, causant ainsi parfois des retards de livraison des messages pouvant atteindre plusieurs heures. Au Maroc, en l'absence de toute donnée communiquée officiellement, je pense personnellement que les deux opérateurs mobiles combinés traitent actuellement en moyenne 1 à 2 millions de SMS/j avec des pointes à 6 millions de SMS/j les jours de fête ou en période de gratuité. Le SMS représente ainsi déjà entre 4 et 7 % du chiffre d'affaires des opérateurs mobiles. A titre de comparaison, en Europe, le trafic SMS représente 10 à 15% du chiffre d'affaires des opérateurs mobiles. En France, 6 milliards de SMS ont été envoyés en 2002, soit une moyenne de 16,5 millions de SMS/jour. Compte tenu de ce diagnostic, quels sont les facteurs qui bloquent le développement de l'utilisation des mini-messages ? Le SMS dans notre pays restera handicapé par plusieurs facteurs : taux d'analphabètes, méconnaissance par la majorité d'au-moins une langue à alphabet latin (français, anglais ou espagnol par exemple), incompatibilité de nombreux téléphones avec la langue arabe. En plus, le parc de téléphones est essentiellement constitué de téléphone d'entrée de gamme (écrans petits, absence de dictionnaire intégré). Quant aux puces GSM livrées, elles ne sont pas pré-paramétrées par les opérateurs. Seules uniquement les premières puces livrées qui ont bénéficié de ce paramétrage. Enfin, les puces GSM utilisées ont une faible capacité de stockage SMS (puces 2Ko très répandues au lieu de 32Ko actuellement standard en Europe). Au-delà de ces contraintes, quelles sont les perspectives de développement du SMS notamment l'offre de services liée à cette niche ? En observant les chiffres européens, mais aussi en notant que l'accélération du trafic SMS ne remonte qu'à quelques mois, je pense que les volumes de SMS échangés vont continuer à croître au cours de l'année à venir. Les facteurs favorables à cette croissance au Maroc sont : population jeune, niveau de prix faible (0,8 DH contre 1,5 DH ou plus en Europe), pouvoir d'achat faible, souci de discrétion dans les échanges au téléphone (promiscuité, pression sociale), offre de services à valeur ajoutée SMS riche, marché des services à valeur ajoutée SMS concurrentiel et dynamique, parc GSM encore en (légère) croissance. Afin que le potentiel des services à valeur ajoutée SMS s'exprime pleinement au Maroc, il est important que les fournisseurs de services respectent une éthique stricte pour ne pas répliquer dans ce secteur naissant les dérapages déjà vécus dans le domaine des numéros téléphoniques surtaxés ou du marketing direct par e-mail. Il s'agit de la transparence sur les niveaux de prix des services, la fourniture d'un contenu de qualité correspondant à la demande de l'abonné, un bon fonctionnement des applications, le respect de la confidentialité des bases de données. Enfin, l'envoi de la publicité SMS ne doit pas être effectuée que sur la base d'accord préalable uniquement avec possibilité offerte à l'abonné mobile de se dés-inscrire à tout instant. Ce développement exige également l'implication des opérateurs mobiles ? Ces mesures sont insuffisantes. Les opérateurs mobiles ont aussi un rôle crucial à jouer dans ce secteur : éduquer et informer l'abonné mobile de l'existence de ces services et de leurs modes de fonctionnement, veiller au bon établissement d'un marché concurrentiel éthique et transparent en usant ainsi parfois de leur pouvoir pour rappeler à l'ordre les contrevenants. Ils doivent également soutenir le nombre optimal d'intervenants sur le marché, afin qu'il n'y ait jamais de monopole sans toutefois diviser sur trop de prestataires des ressources encore maigres. Enfin, l'usage de la préférence nationale est le seul espoir qu'un jour, une société de services à valeur ajoutée SMS atteigne la taille critique et accumule l'expérience pour être compétitive à l'échelle internationale. En situant le développement des services SMS dans le contexte de la libéralisation des télécoms, qu'est-ce que vous pensez de son évolution ? Le niveau de prix atteint par la 2ème licence GSM, le changement radical du paysage de la téléphonie mobile en trois ans, l'accès aux télécommunications par plus de six millions de Marocains, le fait même que nous soyons en train de parler de SMS sur les colonnes de ce journal sont la preuve éclatante que ce processus a été très bien mené pendant plusieurs années. Plus récemment, l'élan semble avoir ralenti avec la réussite moins évidente des licences VSAT et GMPCS, et surtout le report puis l'échec de la consultation concernant la téléphonie fixe. Les raisons sont nombreuses et demandent une analyse approfondie à laquelle j'ai eu l'occasion de contribuer au sein du bureau de l'APEBI et dont les points les plus importants ont été exposés sur vos colonnes récemment. L'essentiel est de réussir au plus vite le processus de libéralisation du fixe car les entreprises ont besoin d'avoir accès à des services de transmission de données moins coûteux, plus fiables, et largement disponibles. La compétitivité de pans entiers de l'économie marocaine en dépend.