Pour se faire soigner, le journaliste finit par consulter une spécialiste appelée Leila Znaidi, dont le charme le fait succomber. Mieux encore, elle prend bien soin de lui contrairement à d'autres médecins. C'est le cas du jour où elle l'aperçoit, de loin, en train de picoler avec des amis. Elle n'hésite pas à le gronder pour prendre soin de lui. A voir le titre du roman «Un cœur marocain», de son auteur Jean Zaganiaris, le lecteur est susceptible d'avoir l'impression que les cœurs ont des nationalités. Cependant, la lecture du livre, publié par la maison d'édition Marsam, élude cette pensée et en donne d'autres. Dans l'intrigue, l'écrivain du roman «Un cœur marocain», relate l'histoire d'un journaliste d'origine grecque, appelé Adam Kazantzakis, travaillant pour le compte de la radio « Zotti» chapeautée par Mme Nadia. Un jour, il apprend la nouvelle de sa maladie cardiaque par un médecin qui ne l'alerte pas assez sur la gravité de celle-ci. Des faits qui donnent le sentiment que le livre est un récit autobiographique. Au fil des pages, ce feeling s'effrite par un effet de surprise créé par l'auteur. «Dans ce roman, je n'ai pas voulu raconter ma vie mais me servir de certains moments vécus et d'inventer une histoire. J'ai voulu mélanger le réel et la fiction dans un texte littéraire et non pas sociologique ou autobiographique», précise Jean Zaganiaris. L'écrivain établit également des rapports entre l'histoire de sa publication et des faits universels. Comme il l'indique, le roman se déroule en 2015, l'année où des attentats terroristes ont frappé le monde. «On relie peu ces attentats avec les logiques néo-libérales omniprésentes aujourd'hui. Mon livre raconte l'histoire d'un homme malade du cœur dans un monde plus malade que lui, où la sacralité de la vie humaine n'est pas respectée», martèle l'auteur. Pour se faire soigner, le journaliste finit par consulter une spécialiste appelée Leila Znaidi, dont le charme le fait succomber. Mieux encore, elle prend bien soin de lui contrairement à d'autres médecins. C'est le cas du jour où elle l'aperçoit, de loin, en train de picoler avec des amis. Elle n'hésite pas à le gronder pour prendre soin de lui. De telles initiatives entreprises par le médecin, doublées du charme, ont amené le journaliste à tomber amoureux d'elle. «Le roman raconte une histoire d'amour mais soulève aussi des questions sociales telles que les dégâts du libéralisme dans nos sociétés contemporaines, la marchandisation de la santé, la place des personnes à besoins spécifiques», explicite-t-il. Entre-temps, l'auteur pointe du doigt les actes malsains dans le milieu professionnel avant de décortiquer l'histoire du médecin, divorcée, qui l'accompagne dans l'Hexagone pour installer un pacemaker dans le cœur. A lire ces faits, le lecteur finit par sympathiser avec le médecin qui a vécu la séparation douloureuse de ses enfants. Un malheur que le journaliste dissipe pendant les moments de bonheur qu'il passe avec elle. Le tout étant raconté tantôt avec amertume, tantôt avec joie. A propos de cette sympathie susceptible d'être éprouvée par le lecteur avec le personnage du médecin, Jean Zaganiaris indique : «Adam est tout aussi important que Leila dans le roman. Cela raconte également l'histoire de la cardiologue qui voit dans cet amour une forme de rédemption». Dans ce sens, l'écrivain évoque également le rapport à la maladie. «Pas mal de gens qui sont eux-mêmes malades ou ont un proche qui l'est peuvent s'identifier à Adam, mais il y a aussi les sentiments. On peut aussi s'identifier à Leila, sorte d'Antigone marocaine, pour qui les lois du cœur sont plus importantes que celles du serment d'Hippocrate», détaille l'auteur. Et ce n'est pas tout ! C'est le médecin qui précise au lecteur que le journaliste est «marocain de cœur». Chose qui élude l'énigme de l'intitulé du livre. «Je dois beaucoup au Maroc», exalte l'auteur. Selon ses dires, le Royaume lui a permis de mener une carrière d'enseignant-chercheur dans l'enseignement supérieur privé, de former des cadres et des gens qui apportent au pays. Au Maroc, l'écrivain dit avoir pu publier des livres, contribuer à la vie intellectuelle du pays et avoir une petite reconnaissance par certaines personnes. «Je me sens marocain de cœur, attaché à ce pays, à des écrivains et des amis que je fréquente. Et le Maroc me rappelle beaucoup la Grèce, on y trouve le même rapport à la religion, à la nation…», enchaîne-t-il. Quant aux agissements malsains dans le milieu professionnel, Jean Zaganiaris les explique par l'évolution du journaliste Adam, qui anime une émission radio culturelle dans un environnement professionnel empreint de logiques féodales, de sectarisme, de mise au placard abusive et de mépris constant entre les collaborateurs. «J'ai voulu montrer deux choses. La première, c'est qu'aujourd'hui, il y a une menace sur la démocratie car l'un de ses principaux acteurs, les médias, se porte mal. Aujourd'hui, l'information est parasitée par des intérêts personnels. Ensuite, j'ai voulu évoquer la question de la souffrance au travail qui n'existe pas que dans le monde des médias mais dans les entreprises, les ONG, les milieux universitaires. Ce roman est une sorte de sirène d'alarme», éclaire l'auteur. Par l'occasion, l'écrivain ne manque pas de rappeler le déclic de l'histoire du roman. «J'ai commencé le livre en France à l'hôpital suite à l'opération du pacemaker. Cela a été une période compliquée de ma vie mais je n'ai jamais été aussi heureux dans les moments de répit que me laissait la maladie car je me disais le soir, après une bonne séance d'écriture, que je tenais une idée intéressante pour un roman. Ma femme m'appelait régulièrement du Maroc voir comment j'allais ; et c'est de là qu'est partie l'idée d'introduire l'histoire d'amour. Les paysages hospitaliers, les opérations (coronographie, radiofréquence), l'IRM, etc., sont des choses vécues», rappelle-t-il. L'auteur s'exprime également sur sa volonté de faire un roman drôle. «Alors je me suis mis à inventer des scènes dans l'hôpital, notamment ce personnage en fauteuil roulant qui se balade avec une cigarette à la bouche dans les couloirs», conclut-il sur une note d'humour.