Le ministre des Habous et des Affaires islamiques délimite son champ d'action et marque ses distances par rapport à Abdelkébir Alaoui M'daghri, son prédécesseur. On l'avait dit bien avant la nomination du gouvernement Jettou. Le ministère des Habous et des Affaires islamiques doit subir une véritable cure de jouvence ou, pour reprendre un terme très en vogue, la mise à niveau de ce département devenait une priorité, tellement le règne de Abdelkébir Alaoui M'daghri a faussé le jeu et dévoyé le rôle des mosquées. Et, avec la nomination d'Ahmed Taoufiq à la tête de ce ministère, on a cru, à raison d'ailleurs, que l'ère M'daghri est révolue. Les premiers actes de M. Taoufiq, un intellectuel d'une notoriété jamais démentie, sont là pour dire qu'il s'agit vraiment d'un ministre qui n'a rien d'autre comme objectif que la réhabilitation d'un département névralgique et la mise en œuvre de tout ce qui est du domaine du possible. M. Taoufiq a annoncé que son département a consacré près de 32 millions de dirhams pour mettre en oeuvre «le programme d'intégration et de réhabilitation des mosquées». Il a indiqué que le nombre des mosquées au Maroc avoisine les 30 mille dont 37 % sont gérées financièrement et administrées par le ministère des Habous et des Affaires islamiques. Ce programme permettra de relever le pourcentage des mosquées prises en charge dans le monde urbain pour passer de 46 à 67 % d'ici fin 2003, et ce à travers l'intégration de 743 mosquées aux Habous. M. Taoufiq a rappelé les dispositions du dahir relatif aux lieux réservés à l'accomplissement des rites de la religion islamique. Ces dispositions stipulent notamment, que toutes les mosquées sont gérées et administrées par le ministère des Habous et des affaires islamiques. «Il n'y a pas de mosquées publiques et d'autres privées», a-t-il affirmé. En fait, le département des Habous et des affaires islamiques est à vocation administrative. Il gère les affaires du département, en gère le personnel, les biens et les compétences. Mais, il ne peut intervenir en tant que tel dans l'explication ou l'interprétation des textes sacrés ou pour valider les contributions (ijtihad) des oulémas. L'ijtihad en fait a ses règles et aucune personne, même un ministre, ne peut prétendre à un tel rang si elle n'a pas la caution morale des oulémas et le savoir scientifique nécessaire et reconnu par ces instances. Il est une chose que l'on comprend : M. M'daghri Alaoui a pris les rênes du département à un moment où on avançait beaucoup la raison d'Etat dans son acception strictement sécuritaire. Il a calqué le modèle du ministère de l'Intérieur des années soixante-dix et quatre-vingt pour rendre son ministère plus tentaculaire et plus imposant. Résultat, tout lui échappe aujourd'hui, y compris le droit de regard administratif qu'il doit avoir sur les mosquées, devenues des lieux d'endoctrinement et d'embrigadement. Une dérive inquiétante pour la communauté dans son ensemble. Mais à force de durer, de phagocyter l'ensemble de son département et ses ramifications tentaculaires, on ne sait plus ce qui est du ressort du ministre des Affaires islamiques, ce qui relève d'autres départements et conseils… Aujourd'hui, les choses ont changé. La perception de l'État et de sa raison aussi. M. Taoufiq vient donc à point nommé. Sa mission est à la fois aisée au vu du nouveau contexte, et compliquée à cause des dysfonctionnements qu'il a hérités. La réhabilitation des mosquées est une première pierre dans cette longue entreprise.