La célébration de l'Achoura s'est transformée en un véritable bain de sang. Au-delà de la série des attentats qui ont secoué le pays, les tractations autour des élections du 30 janvier occupent le devant de la scène. Pour la troisième année consécutive, les Chiites irakiens ont librement donné cours aux célébrations de l'Achoura. La communauté majoritaire d'Irak commémore, en cette journée qu'elle considère jour de deuil, l'assassinat de l'imam Hussein, petit-fils du Prophète. Si la fête en question, la plus sacrée du calendrier chiite, est caractérisée par des auto-flagellations collectives donnant lieu à des saignements effroyables, le sang aura coulé davantage suite à plusieurs attentats meurtriers. La principale cérémonie religieuse chiite a, en effet, été ponctuée par des actes d'une extrême violence. Cible visée : des Chiites en plein accomplissement de leurs curieux rituels. Les insurgés ont profité du désordre qui caractérise cette journée particulière, pour cause de descente massive de la population chiite dans les rues, pour lancer une série d'attaques à travers le pays. On recense huit attentats-suicides, en plus de tirs de mortier et de fusillades, ayant fait plus d'une quarantaine de victimes, dont un soldat américain, et près d'une centaine de blessés. Ce carnage est survenu alors que les forces de l'ordre, sur le qui-vive, avaient reçu les instructions pour plus de vigilance. L'état d'alerte était maximal, avec la fermeture des frontières terrestres de l'Irak, dans l'optique de prévenir le bain de sang qui a fini par avoir lieu. L'alarmisme qui prévalait a, notamment, été dicté par les attaques meurtrières qui avaient caractérisé les célébrations de l'année dernière, dont le bilan fait état de 170 morts à Bagdad et dans la ville sainte de Karbala. Cette année-là, le renforcement de la sécurité aura eu pour impact de faire échouer plusieurs tentatives d'attentats. Mais il aura fallu que les insurgés fassent preuve d'acharnement et parviennent à accomplir leurs besognes. En effet, en dépit des importantes mesures de sécurité prises à Bagdad, les éléments de la police n'ont pas pu maîtriser la situation. Si le déploiement de la police a été en grand nombre autour de la mosquée de l'imam Moussa Al-Kazem, septième imam chiite et l'un de leurs lieux saints situé dans le nord de la capitale, l'armée, quant à elle, avait bouclé toutes les entrées du quartier chiite Kazimiyah. Parallèlement, les patrouilles de police sillonnaient les ruelles dans tout le secteur et soumettaient à une fouille minutieuse toute personne qui voulait accéder à la mosquée. Cependant, la vigilance des forces de l'ordre n'a pas réussi à juguler la totalité des tentatives malveillantes. La violence, quoique moins meurtrière que celle de l'année précédente, aura quand même fait un lot effroyable de morts. En effet, dans la seule ville de Bagdad et ses environs, huit kamikazes ont réussi à s'approcher des foules et à faire exploser les charges qu'ils transportaient sur eux, parfois au sein même des rassemblements de fidèles. Quelquefois à proximité des barrages de la police. Un bilan établi par l'agence « Associated Press », relatif à ces huit attentats-suicides, fait état de 24 morts. Cependant, plusieurs autres explosions ont été entendues au cours de cette journée sanglante. Latifiya, ville située à une trentaine de kilomètres de Bagdad, allait connaître l'une des attaques les plus meurtrières, lorsqu'un kamikaze a fait sauter une voiture piégée à un barrage de l'armée irakienne, attentat qui a coûté la vie à 9 soldats irakiens. Au lendemain de ces festivités sanglantes, les tractations avaient repris autour du scrutin du 30 janvier pour le choix d'un Premier ministre. En effet, plusieurs personnalités sunnites ont formulé le vœu, auprès des Chiites, vainqueurs des élections, afin de ne pas être marginalisées. Quelque 200 personnes ont même exigé d'être associées à la vie politique et à la rédaction de la Constitution. «L'Irak appartient à tous les Irakiens et le fait de ne pas avoir participé aux élections ne veut pas dire que nous ne voulons pas participer à la vie politique», a indiqué Adnane Dlimi, chef des Awkafs, dans une déclaration reprise par l'Agence France-Presse. «Nous devons être associés à la rédaction de la Constitution», a-t-il ajouté. En parlant de participation, Adnane Dlimi faisait notamment allusion aux millions de Sunnites restés à l'écart des urnes, le jour des élections. La victoire écrasante des Chiites est certainement pour beaucoup dans les attentats qui visent leur communauté, les groupuscules qui sèment la terreur dans le pays étant, pour la plupart, des Sunnites.