Depuis la constitution du gouvernement Jettou, le département de la Jeunesse cherche encore ses marques. Les prérogatives de celui-ci ne sont ni définies ni claires. Alors que les enjeux concernant le domaine de la jeunesse sont d'une importance vitale pour le pays. Mettre deux socialistes d'obédiences différentes face à face aurait pu être un joli coup politique se celui-ci devait se solder par la création d'une grande dynamique au profit de la jeunesse. Or, aujourd'hui, c'est le contraire qui se passe. Le Premier ministre est interpellé. La dissolution du ministère de la jeunesse et des sports n'a pas seulement désorienté notre sport, mais elle a aussi affectée la bonne marche de la Jeunesse. Si le sport continue à concourir sans instance dirigeante, le département de la jeunesse navigue à vue dans l'océan du ministère de l'Education nationale. Si l'administration du sport est bloquée par une réorganisation structurelle, celle de la jeunesse semble affectée par des susceptibilités personnelles. L'affiliation de secrétariat d'Etat à la jeunesse au mastodonte du ministère de l'Education nationale, s'est avérée une opération très délicate sur tous les plans. Il fallait s'y attendre quand on sait que cette fusion, émanant d'une dissolution, s'est faite dans la précipitation de la constitution douloureuse du gouvernement Jettou. C'est dire que l'on a procédé à cette restructuration sans mettre en place les mécanismes et les structures nécessaires pour réussir cet arrimage... dans un espace turbulent. À tel point que le nouveau secrétaire d'Etat à la jeunesse, notre confrère, Mohamed El Gahs, est passée de la rédaction de « Libération » à un bureau ministériel sans attributions juridiques et légales définies. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le secrétaire d'Etat n'a reçu au jour d'aujourd'hui ni une délégation de pouvoir, ni une délégation de signatures. Ce qui est plutôt prévisible, c'est que Mohamed El Gahs, tel que l'on connaît, n'a pas chômé pour autant. Ce n'est pas de sa nature que de se résigner, ni d'abdiquer devant la bureaucratie ambiante ou devant la résistance à peine voilée qu'il affronte. Ce qui surprend le plus, c'est que, malgré ses entraves, il a commencé son travail avec la même ardeur, le même dynamisme et le même foisonnement d'idées qu'il développait en tant que journaliste. Il ne croyait pas si bien dire quand il déclarait, dans un contexte certes différent, à notre confrère le Matin que « ... ..La pratique fait surgir des contraintes. Il y a une prise de conscience qui s'opère au contact des réalités, compte tenu de la complexité du terrain, des résistances et des mentalités. » Mais il est clair que Mohamed El Gahs s'attendait à toutes les réalités sur ce terrain sauf celle que lui pose aujourd'hui le ministère de tutelle. Il faut bien sûr comprendre le ministre de l'Education nationale et de la jeunesse, Habib El Malki, son frère dans le socialisme. Cette relation conflictuelle voilée par la retenue d'El Gahs, mais révélée par le manquement aux usages, est impensable si l'on se place dans l'esprit de solidarité d'un gouvernement de crise comme celui de Jettou. Ni la conjoncture économique, politique et sécuritaire que vit notre pays, ni même une quelconque divergence clanique ou personnelle au sein du parti, ne prêtent à cette hégémonie d'un ministre sur un autre. Personne ne comprendrait l'attitude de Habib El Malki quand il rechigne à déléguer les pouvoirs et la signature au secrétaire d'Etat à la Jeunesse. Deux mois après la constitution du gouvernement, Mohamed El Gahs attend cette décision sans piper mot, ni se lamenter auprès de qui de droit. Sa collègue Najima Ghozali, secrétaire d'Etat auprès du même ministre vit la même situation sans attributions, ni délégation de signatures. Non pas que Habib Malki ne veut pas seulement lâcher le morceau, mais ses prises de position sont assez tranchantes pour qu'elle soient assimilées à un acharnement. La preuve, dans le bulletin officiel n 5072 du 9 janvier 2003, il délègue tous les pouvoirs de la jeunesse à Abderrahmane Zidouh, secrétaire général du défunt ministère de la jeunesse et des sports. Dans la décision n 2078/02, Habib El Malki précise que le secrétaire général est habilité à signer et à viser au nom du ministre de l'Education nationale toutes les décisions relatives aux dépenses et aux recettes afférentes au budget général du département de la jeunesse. Dans l'article deux, il est spécifié qu'en cas d'absence du secrétaire général, cette délégation revient à Ali Arazam, responsable de la direction du budget et de l'équipement. Mieux encore dans la décision n 2079/02, le ministre Malki délègue au secrétaire général tout ce qui a trait aux appels d'offre comme approbation ou annulation. Le nom du secrétaire d'Etat, Mohamed El Gahs ne figure nulle part dans ce bulletin officiel et par définition c'est bel et bien Abderrahmane Zidouh qui détient toutes ses attributions. Entre temps, tous les secrétaires d'Etat ont reçu leurs décisions qui définissent leurs attributions et leur octroient la délégation de signature. L'attitude de Habib El Malki va à l'encontre de l'organigramme élaboré par le Premier ministre Jettou et qui a été assez explicite dans la morasse de la loi des finances. Du coup nombre d'observateurs avertis ont compris que Malki essaye d'absorber le département de la jeunesse comme il l'a fait avec celui de l'alphabétisation et de l'Education non formelle. Ce secrétariat d'Etat a été tout simplement intégré dans l'organigramme du ministère de l'éducation national comme un simple département. C'est cette situation qui crée un malaise palpable au sein des fonctionnaires de l'ex- ministère de la jeunesse et des sports. Ces derniers récusent tout sorte d'absorption qu'ils considèrent comme une atteinte à la souveraineté d'un département aussi ancienne que l'indépendance du Maroc. Sur le plan opérationnel, ce nouveau statut suscite beaucoup d'ambiguïté et d'amalgame au niveau de la gestion des affaires. Quant au secrétaire d'Etat, Mohamed El Gahs, personne n'envie sa position dans un environnement rendu malsain par l'hégémonie du ministère de l'Education nationale. Sur le plan pratique , Mohamed El Gahs, a été confronté dès le premier jour au problème de recrutement du personnel de son cabinet. Quant à la gestion des affaires courantes, il est clair qu'il bute quotidiennement sur un circuit administratif inédit dans sa structure donc alourdi à l'extrême. Le secrétaire d ‘Etat n'est habilité qu'à occuper sa fonction en attendant que le secrétaire général veuille bien signer les documents sur ordre de Habib Malki. C'est drôle, mais on n'a jamais vu un ministre subordonné à un secrétaire général d'un ministère de surcroît dissous. Mais en fin de compte Mohamed El Gahs doit s'estimer heureux par rapport à un autre secrétaire d'Etat qui a été chassé de son bureau par le ministre de tutelle. Il est difficile, dans ces conditions, de faire confiance à un gouvernement où certains membres accaparent, par la force, les bureaux ou autre délégation de pouvoir. Heureusement que Mohamed El Gahs a mille forums-jeunesse dans son escarcelle pour s'occuper utilement et combattre la mediocrité.