Cela fait plus d'une semaine que le dernier film de Nabil Ayouch « Une minute de soleil en moins » est au cœur d'une grande polémique. Un débat creux qui laisse à désirer sur les mentalités tous azimuts. L'affaire a éclaté à la Chambre des représentants, lorsque certains députés, au nom de la préservation des mœurs, ont demandé l'interdiction de ce film. Bien sûr, cela va faire des vagues pendant quelques jours, mais l'actualité va vite et l'on passera à autre chose pour remplir le temps. Une polémique, somme toute, creuse et inutile vu la conjoncture actuelle et le tas de chantiers qui nécessitent la mobilisation de tous les Marocains pour un avenir meilleur. Au-delà des positions des uns et des autres, le principe de la censure est indéniablement exclu. Le fait est que le motif de ce remue-ménage médiatique s'articule autour de certaines séquences, soi-disant « choquantes » pour un public qui n'est pas habitué à voir ce genre de scène jouée par des acteurs marocains. Ni la nature, ni le sujet traité par le film, et encore moins le scénario, n'ont été contestés. Le réalisateur n'est pas un étranger, et il est conscient du niveau de perception cinématographique chez le public national. M.Ayouch n'ignorait sûrement pas qu'il jouait sur un terrain miné, avec le dérèglement brutal qui fait sauter un tabou. Ce qui l'a exposé aux tirs des opportunistes. Pourtant, il n'est pas à sa première production. Au contraire, son célèbre film « Ali Zaoua » a fait un tabac, bien qu'il contînt des scènes un peu chaudes, selon les critères instaurés par les députés défenseurs des mœurs locales. Sauf qu'il n'y avait pas de sexe exhibé. Le public Marocain accepte, illicitement, de voir des séquences semblables, mais il faudrait que les acteurs soient d'une autre nationalité. Les opportunistes de tout acabit guettent la moindre occasion pour vilipender toute nouveauté en dehors des normes traditionnelles. Et «Une minute de soleil en moins» représente une grande aubaine pour les nouveaux détracteurs pour se constituer comme des défenseurs du pauvre peuple dont la pudeur se trouve menacée. D'une production du septième art, l'on se retrouve devant une tentative de déstabilisation morale et culturelle, un attentat à la pudeur. Devant de la provocation tout court. C'est une perche tendue gratuitement à tous les refuzniks d'un éventuel décollage civilisationnel. La pornographie a beaucoup d'adeptes dans notre pays comme partout dans le monde. Les canaux internationaux et les sites Internet offrent du spectacle « choquant » à la pelle, et pourtant, jamais un tel tollé n'a été relevé. Est-ce la nature, le nom et la nationalité du réalisateur qui sont derrière cette campagne de censure et d'interdiction « officieuse » puisqu'elle émane de certains députés de la nation ? S'agit-il de la faible valeur accordé à l'art et aux artistes de notre pays qui continuent de souffrir d'un manque effroyable de statuts et de législation spécifiques ? Et de ce fait, l'art devient un terrain prompt à lancer toutes les attaques. Dans ce genre d'histoire, on sait rarement à temps la bonne réponse. Toujours est-il que la situation précaire et l'idée que se fait ce même public « controversé » de l'art dans son pays y est pour beaucoup dans ce genre de réaction. La vérité se cristallise sur ce constat : il n'y a plus de repères, de références, de points d'ancrage. Dans une société en crise, l'homme cherche son salut dans la polémique. Tout se chevauche et s'interpénètre, les plaintes qui viennent de l'enfer sont trop suspectes, et l'origine trop facilement attribuée au démon.