Malgré les critiques de la communauté internationale, le fils du président défunt succède à son père. Le nouvel homme fort du Togo a reçu l'aval de l'armée, de l'Assemblée et de la Cour suprême. Imperturbable face aux condamnations de la communauté internationale, Faure Eyadema a prêté serment, 24 heures après la disparition de son père. Une succession en violation de la Constitution, mais qui a été savamment orchestrée. Aucune réaction populaire à Lomé, restée calme comme la plupart des villes de ce petit pays de 5 millions d'habitants. Le gouvernement togolais a interdit lundi toute manifestation de rue pour une période de deux mois, justifiant cette mesure par le "deuil national". Dès l'annonce, samedi, du décès du général Eyadema, la hiérarchie militaire s'est livrée à une véritable partition, sans doute orchestrée d'avance, en adoubant à l'unanimité le nouvel homme fort du pays. Celui-ci, après avoir démissionné de son poste de ministre des Mines, a été élu dans la foulée président de l'Assemblée nationale par une écrasante majorité (67 voix contre 14). Quant à l'ancien chef de l'Assemblée nationale, le musulman Fambaré Natchaba Ouattara, destitué, c'est depuis le Benin voisin qu'il suivra le reste des événements. Absent du pays au moment du décès du général Eyadéma, son avion a été dérouté vers Cotonou après la fermeture de l'aéroport international de Lomé. Peu auparavant, dans cette journée mouvementée de dimanche, les députés avaient voté la modification de deux articles de la Constitution, notamment l'article 65 portant sur la vacance du pouvoir en cas de décès du chef de l'Etat. Ces différentes manœuvres ont pris à peine plus de trois heures aux représentants du peuple. Après avoir été approuvé par les six juges de la Cour suprême, Faure Eyadéma devra poursuivre le mandat paternel, lequel arrive à expiration en 2008. L'Union africaine a été la première à réagir, dès samedi soir, par la voix de son président, le Malien Alpha Omar Konaré. S'ensuivront une série de messages mêlant tristesse et indignation. De Koffi Anan au président sud-africain, Tabo Mbekki, en passant par le Nigérian Olusegun Obasanjo, président de l'Union africaine, plusieurs voix se sont prononcées pour le respect de la Constitution. Les rappels à l'ordre sont venus aussi d'outre-atlantique. Les Etats-Unis, par la voix du porte-parole adjoint au ministère des Affaires étrangères, ont exhorté les Togolais, depuis Jérusalem où il était en visite, de respecter strictement le processus prévu par la Constitution du Togo. Au nom de l'UE,, le Commissaire européen au Développement et à l'Action humanitaire, le Belge Louis Michel, a également appelé dimanche au "respect strict des procédures prévues par la Constitution". Il a averti qu'en cas contraire, le processus de reprise de l'aide de l'UE à Lomé, suspendue depuis 1992 en raison de violences politiques, serait "hypothéquée". De son côté, la France qui entretenait des relations privilégiées avec l'ancien régime, malgré des sanctions décidées par l'UE, a appelé à l'organisation rapide d'élections libres au Togo, mais par la voix d'un fonctionnaire du Quai d'Orsay. Le Parti socialiste français a d'ailleurs demandé au président Jacques Chirac de condamner fermement le coup d'Etat au Togo. Ce qui n'était pas encore fait à la mi-journée d'hier. Le président Chirac aurait par contre téléphoné à plusieurs chefs d'Etat africains. Sans doute pour demander conseil. Le dernier à se prononcer, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) tient demain à Niamey, un sommet extraordinaire consacré au Togo. Ce n'est sûrement pas de là que viendront les pressions qui feront effet sur le nouveau régime en place.